En 1969, la rumeur court à Orléans: des femmes seraient enlevées dans des cabines d’essayage, évacuées par des souterrains jusqu’à un sous-marin de poche sous la Loire, destinées à la traite des Blanches… Les fake news, terme moderne pour la rumeur, n’ont pas attendu internet pour proliférer. Le Théâtre de l’Imprévu, entre théâtre documentaire et scènes oniriques, mêle burlesque et tragédie, comédie sentimentale et mythologie.
Photo : Théâtre de l’Imprévu
À l’époque, c’est la presse locale qui colporte cette rumeur. L’enquête est abandonnée rapidement mais la rumeur continue de courir et les commerces accusés sont fuis par la clientèle, quand ils ne sont pas menacés physiquement. Éric Cénat, qui met en scène la pièce, est né à Orléans en 1967. « Je prends conscience que la rumeur n’est pas qu’un mot, qu’elle entraine des répercussions sur des êtres innocents, qu’elle salit, que la haine et la bêtise prennent le dessus sur la raison… » Dorphé aux enfers – Orléans 69 dresse un parallèle avec notre époque moderne où pullulent les théories du complot.
Cette rumeur est pour Luc Tartar « la porte d’entrée dans ce projet d’écriture. Elle éveille doublement mon intérêt, de par son caractère antisémite et parce qu’au cœur de cette rumeur on retrouve comme bien souvent, les adolescents. » Pour l’auteur qui a écrit par le passé sur le harcèlement, Dorphé aux enfers – Orléans 69 est l’occasion d’évoquer les « fantasmes collectifs », et les « menaces et interdits parfois brandis par les adultes». Dans la pièce, une adolescente de 2023 découvre le journal intime de sa grand-mère qui a connu la rumeur d’Orléans, l’occasion de flashbacks en 1969. Eurydice a 17 ans, ne croit pas à la rumeur et « va se démarquer pour faire son propre chemin vers la vérité », explique l’auteur. Le titre de la pièce joue sur l’homophonie entre Dorphé, nom du premier magasin injustement incriminé, et Orphée, le musicien descendu aux enfers pour ramener sa bien-aimée dans la mythologie grecque. La pièce illustre en effet « une vertigineuse descente dans les bas-fonds de l’âme humaine, suivie par une formidable capacité de résistance et de résilience. »
– Paul Sobrin –
Dorphé aux enfers – Orléans 69, Luxeuil-les-Bains, Espace Molière, 13 mars à 20h30 – Bus aller-retour gratuit au départ de Lure sur réservation (03 84 30 54 30)
ville-luxeuil-les-bains.fr – lure.fr