SCIENCES
Folio Poche
Parution le
Le mathématicien et docteur en philosophie des sciences a faite sienne cette citation de Michel Serres, qu’il met en exergue de son ouvrage paru en 2023 chez Gallimard, réédité en ce début d’année chez Folio Poche. « L’invention naît, parfois, du mélange des genres, des courts-circuits ». Ce penseur de notre temps, jamais avare de bons mots pour vulgariser les sciences, pratique l’art (fécond, à l’en croire) de la digression.
Étienne Klein suscite l’ubiquité des idées (« [t]oujours sur deux ou trois plans »), à l’image de l’esprit en perpétuel mouvement de Michel Serres à qui il consacre d’ailleurs un chapitre, bel hommage au philosophe et à « son ardeur presque folle à toujours penser ». Dans ces savoureux Courts-circuits, Étienne Klein met à l’honneur quelques-uns de ses pairs, scientifiques certes d’une intelligence souvent supérieure, mais qui ont su emprunter des chemins de traverse. Il apprécie en particulier ceux (et celles !) pour qui « penser et agir sont une seule et même chose ». L’occasion d’avoir une pensée pour son frère Pascal disparu, expert ès mécanique, et de rappeler, sans mauvais jeu de mots, que les filières techniques ne sont pas des voies de garage…
Ce court ouvrage convoque plusieurs chercheurs de génie, dont l’incontournable Albert Einstein, qu’Étienne Klein se plait notamment à mettre en parallèle avec… les Rolling Stones. Car loin de produire un ouvrage pour initiés, l’auteur tente d’élargir l’horizon de ses lecteurs, en nous contant notamment le destin d’un mathématicien et philosophe qui fut aussi grand Résistant. Courts-circuits traite de la diffusion des savoirs, mais aussi des erreurs, sans oublier quelques canulars orchestrés par certains scientifiques eux-mêmes. Il faut dire que dans nos sociétés hyperconnectées, à l’heure de l’info en continu, distinguer le vrai du faux peut être une gageure et Étienne Klein se méfie de « cette nouvelle forme d’ivrognerie qu’est la communauté numérisée ». Si parfois il touche à des sujets quelque peu ardus (à l’image de la physique quantique ou de la relativité générale), le physicien rend compte de la manière parfois atypique de raisonner de certains scientifiques et intellectuels. Il n’oublie pas non plus que l’on peut rencontrer la philosophie partout, même au détour d’une interview de Keith Richards… Étienne Klein décloisonne, compare destinée et hasard et d’autre concepts. Une belle manière, pour paraphraser l’auteur, d’éviter l’hémiplégie des savoirs.
Paul Sobrin