Du 12 au 18 mai, l’Opéra de Dijon proposera la dernière production lyrique de sa saison 2023-2024, deuxième œuvre de Puccini programmée cette année : Tosca. Diversions a rencontré le directeur de l’Opéra de Dijon et metteur en scène Dominique Pitoiset.
Pouvez-vous situer l’époque où se déroule l’action de Tosca ?
L’action se déroule en 1800 à Rome, au moment où les troupes napoléoniennes ont institué la République romaine pendant une petite année. L’action débute au moment où les troupes du roi de Naples et les milices privées siciliennes ont repris le pouvoir à Rome et vont faire la chasse aux sorcières et aux collaborateurs dits Républicains, aux forces progressistes.
Les artistes sont d’ailleurs une cible particulière…
Les artistes sont poursuivis : le peintre Cavaradossi est suspecté d’alliance idéologique avec le désormais ennemi, c’est-à-dire l’aristocratie, les intellectuels et les artistes dits « progressistes » qui habitaient Rome sous la République romaine. Et puis Tosca, cantatrice célèbre mais venant du peuple, élevée par les bonnes sœurs, orpheline, ayant une sensibilité très à fleur de peau. L’objectif pour moi et pour l’équipe est d’essayer de faire entendre l’ouvrage de manière plus théâtrale qu’un concert.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la distribution ?
J’ai une grande chance, mais je voulais absolument pour interpréter Tosca la soprano Monica Zanettin qui vit à Venise aujourd’hui, qui est italienne et comprend le sous-texte. Quand elle chante en italien, elle entend la langue qui est sous les mots, les grands enjeux. Je pense toujours que les sopranes vivent les rôles, et les rôles pucciniens nécessitent d’être complètement incarnés. Le baryton lui, le Baron Scarpia, est interprété par Dario Solari que nous avons déjà eu dans Stiffelio, avec qui j’avais travaillé sur La Bohème, que j’aime beaucoup. Il a une voix magnifique mais surtout c’est une vraie puissance de chair, il en impose et en même temps il est narratif, très épique donc c’était parfait pour moi. Et puis notre conseiller au casting Mathieu Pordoy m’avait conseillé d’inviter Jean-François Borras, notre ténor français qui est désormais une star montante. J’ai ce trio de tête très bien secondé par des artistes de premier plan, des jeunes en devenir et puis des artistes plus confirmés pour un cast de huit personnes, entourés de notre chœur permanent renforcé de la Maîtrise de Dijon, et de l’Orchestre Dijon Bourgogne, plus deux trois figurants.
Comment décririez-vous l’univers de Puccini ?
C’est très organique, c’est viscéral. C’est une musique pleine de testostérone, passionné mais en même temps extrêmement viril. On n’ose à peine le dire aujourd’hui, mais ça vous pèse au quotidien, c’est un endroit traversant, c’est-à-dire que vous êtes traversés à l’endroit de vos viscères, ce n’est pas une musique mentale. Je dirais qu’elle déstabilise mentalement, mais surtout elle vous hante, elle vous possède littéralement. C’est le cœur même de l’art lyrique de Puccini !
Vous avez souhaité accentuer le côté théâtral de l’œuvre. De quelle manière ?
Je fais en sorte que ce soit le plus joué possible et le plus en conscience possible, c’est-à-dire d’éviter ce qu’on redoute tous, un concert avec des gestes illustratifs, donc que ce soit incarné et ici, à Dijon, je souhaite prendre le risque de faire du théâtre. Pour moi l’opéra, c’est du théâtre musical et je m’emploie à cela, il y a quelques limites mais en même temps il y a aussi beaucoup de belles surprises !
Avez-vous pris quelques libertés dans la mise en scène ?
J’ai souhaité mettre en scène une petite Tosca, c’est-à-dire Tosca enfant. Il y a un fil rouge qui traverse l’ouvrage et la mise en scène : la présence régulière de cette enfant qui faisait partie de la maîtrise de la Tosca de Sardou, élevée par les bonnes sœurs, et qui est victime d’un système totalitaire prédateur de ses enfants, dont elle a été une des proies, et dont on retrouve les traumatismes à l’âge adulte jusqu’au moment où les pièces du puzzle se recomposent. En fait c’est une mise en scène qui n’est ni traditionnelle ni conventionnelle je pense, qui est très réaliste, traite vraiment les situations de jeu. J’ai une lecture parallèle, souhaitant aborder un diptyque sur l’enfance, et l’enfance agressée, qui rebondira après dans ma mise en scène du Château de Barbe-Bleue.
Tosca, Opéra de Dijon, du 12 au 18 mai
https://opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-23-24/tosca/