AUTOBIOGRAPHIE
Au diable vauvert
Parution le 25 avril
Si vous êtes fans de bande dessinée, vous connaissez probablement ses costumes de dandy excentrique et son haut débit de paroles, sans parler de son érudition en matière de neuvième art mais aussi de cinéma et culture pop de manière générale. Vous avez peut-être aussi croisé Jean-Pierre Dionnet, dans les années 80 et 90, sur votre tube cathodique. Au diable vauvert propose aujourd’hui une nouvelle édition de son autobiographie, écrite à quatre mains avec Christophe Quillien, journaliste spécialisé dans l’univers de la BD.
Et de mentions à la bande dessinée, cette autobiographie ne manque pas. Rien de plus normal de la part du fondateur du mythique magazine Métal Hurlant. Si elle est encore confidentielle dans les années 70, la BD va au fil des décennies devenir art majeur, popularisée grâce à certains passeurs dont Jean-Pierre Dionnet. C’est d’ailleurs ainsi que ce dernier aime à se définir, passionné de ces « sous-cultures » qu’étaient, il y a encore quelques décennies, le polar, la SF et le rock. Il se souvient de son enfance à Livry-Gargan et de ses vacances dans la Creuse, issu d’une famille bourgeoise et catholique. Pas très rock’n’roll tout ça, mais les livres sont là pour élargir ses horizons. « Je découvre un monde magique dont on peut ouvrir la porte ».
L’ouvrage multiplie les anecdotes sans vraiment s’embarrasser de chronologie. On suit l’auteur dans les rues parisiennes (les librairies en particulier, et les cinémas… de quartier évidemment), le New York louche et dangereux des années 80, Chine, Japon, Australie… Après un premier article dans Futuropolis, Dionnet intègre le légendaire Pilote de René Goscinny, avant de fonder Les Humanoïdes Associés et Métal Hurlant. Entretemps, plusieurs rencontres déterminantes : Jean Boullet, son « initiateur », « agitateur culturel avant l’heure » qui lui apprendra aussi l’art de la transgression, Goimar, Sadoul et Klein, « les trois papes de la science-fiction française ». Ces Mes Moires sont aussi l’occasion de revenir sur de nombreux auteurs de BD (et quelques autrices, à travers la belle mais éphémère revue Ah ! Nana vers la fin des années 70).
Critique, journaliste, auteur, Dionnet va s’entourer de passionnés qui, comme lui, cherchent à « regarder de l’autre côté de la réalité » (Druillet, Giraud/Mœbius et bien d’autres). Avec eux, il s’était fixé un but : « révolutionner la bande dessinée, pas moins » et n’oublie pas son comparse de toujours, en presse écrite comme en télé avec qui il forme un « duo à la Laurel et Hardy », le critique rock et animateur Philippe Manœuvre. On peut d’ailleurs dresser un parallèle avec Rock, l’autobiographie de « Philman », qui n’est pas, elle non plus, avare en anecdotes sur les paradis artificiels, qu’ils soient chimiques ou éthyliques. Mes Moires, c’est d’ailleurs aussi l’occasion de mea culpa, quelques remords (mais rarement des regrets), une poignée d’années passées dans la poudreuse des « nuits chez Castel ». Mais en dépit des démons intérieurs de son auteur, et des problèmes financiers afférant à la presse magazine, l’ouvrage est en particulier un retour passionnant sur la belle aventure éditoriale que fut Métal Hurlant, ses créateurs « décidés à ne pas suivre les règles ».
Dominique Demangeot