ESSAI
Éditions du Cerf
Parution le 24 août 2023
Jonathan Siksou nous emmène dîner en ville, parmi cette communauté hétéroclite d’individus, la ville ou plutôt des villes contemporaines, de Paris à Bruxelles, en passant par New York et Venise. L’auteur nous parle avant tout de nous puisqu’une ville ce sont des femmes et des hommes qui interagissent pour le meilleur ou pour le pire, ou au contraire s’ignorent royalement.
L’être humain moderne aime en effet à se perdre dans son smartphone, ces « prothèses électroniques » symbolisant d’une certaine manière l’individualisme de la ville du XXIe siècle, que Jonathan Siksou égratigne, comme à son habitude, avec finesse. La ville est un théâtre, le journaliste et écrivain l’a compris et expose les différentes facettes de la comédie humaine/urbaine. De la cité, il évoque les rues, les jardins, les animaux, des oiseaux aux… surmulots, l’explorant de ses tréfonds (SDF, prostitution, traite humaine) à ses combles, passant en revue ses codes sociaux et esthétiques. Jonathan Siksou visite également les intérieurs, disserte sur les ascenseurs et les concierges, les commerces à l’image des incontournables boulangeries (avec un passage savoureux comme une viennoiserie, sur le geste hautement technique d’emballer un croissant). L’évolution des villes et de leurs mœurs est également abordée, l’auteur citant Queneau : « Tant de choses disparaissent comme ça ». La ville comme un palimpseste.
En parlant de disparition, Vivre en ville nous offre aussi un passage sur les bouquinistes, sous les feux de l’actualité en ce moment puisqu’ils vont être expulsés de leurs quais de Seine pour cause de Jeux Olympiques. Signe des temps. Affleure alors également, au fil des pages, une certaine nostalgie derrière la réflexion sur le passage du temps, des traces du passé que certains s’évertuent à vouloir éradiquer, thématique davantage développée dans son premier roman Rayé de la carte – Sur les traces du Louvre oublié (Éditions du Cerf, 2017). Jonathan Siksou regrette les antiques drogueries où l’on dénichait tout, avec l’assistance de commerçants souvent hauts en couleur et efficaces. Un sens du service que l’on peine à retrouver aujourd’hui dans nos villes modernes colonisées par des zones commerciales moches et impersonnelles. Il regrette aussi une certaine « sensation de douceur de vie ». Convenons-en, tout le monde n’a pas eu la chance de fréquenter comme lui, enfant, les palaces, mais il reste un observateur fin du monde qui l’entoure. Derrière les mots, on devine l’esthète qui ne se prive d’ailleurs pas de comparer les églises et leurs trésors à notre modernité, « la porte ouverte au n’importe quoi, à l’étalage de l’abscons, à la bêtise au mètre. »
Dominique Demangeot