ROMAN
Flammarion
Parution le 23 août 2023
Le narrateur du deuxième roman d’Hugo Lindenberg est étudiant. À six ans, il perd sa mère qui se suicide sur une voie ferrée, un drame dont il ne s’est jamais remis, une angoisse existentielle qu’il tente de conjurer dans les nuits parisiennes.
La nuit imaginaire est un roman sur la perte d’un être cher, sur ces deuils qui vous définissent et influent sur vos actes, mais c’est aussi un livre sur le temps qui ne passe pas. Resté bloqué dans l’enfance, le jeune narrateur tente, le temps d’un hiver, de fuir le moment présent puisque « [l]e temps est superflu, une fable pour adulte », confie-t-il. « Le temps est un abcès. Partout il faut percer des ouvertures, […] chercher le passage vers l’autre dimension. » Alors il s’étourdit de lumières et de substances, attiré par les pulsations de la fête dans l’espoir fou de « tromper l’angoisse coûte que coûte ». Si le narrateur de La nuit imaginaire a la vingtaine, on retrouve chez lui des bribes du jeune enfant du premier roman d’Hugo Lindenberg, Un jour ce sera vide, abandonné lui aussi.
Comme un orphelin en quête d’amour maternel, le narrateur cherche sa génitrice, traque cette dernière sur de rares photos, jusqu’à en trouver une où il la découvre en compagnie d’autres femmes, le début d’une enquête qui pourrait constituer, espère-t-il, « l’antidote à l’impensable de son suicide ». S’initie alors une quête des origines, des morceaux de puzzle à réunir pour quitter ce « coton dans lequel je somnolais depuis mes six ans ». C’est la nuit, dans un club dénommé Hangar en particulier, que le jeune homme trace son chemin, sur une ligne de démarcation entre désir, profusion des corps (« la faune des garçons » où il cherche à s’oublier) et souvenirs mortifères de la mère. Ses nuits sont-elles pareilles à des labyrinthes où il finira par se perdre, ou le narrateur saura-t-il trouver une issue ? Et tout cela serait bien sombre s’il n’y avait l’écriture rare d’Hugo Lindenberg, excellant à rendre la nuit palpable, épaisse, quand le sublime le dispute au désespoir. « Il fait bleu dehors ce matin. Cette nuance de l’air chargé des rêves de la nuit ».
– Marc Vincent –