Frédéric Brunnquell – Le bûcher des illusions

ROMAN

Albin Michel

Parution le 31 août 2023

Documentariste, Frédéric Brunnquell aime aller à la rencontre de ses contemporains et s’immerger dans leur quotidien. Son talent d’observateur ressort dans un roman qui chronique plusieurs parcours de vie et professionnels, inscrits dans la tourmente sociale d’aujourd’hui.

Frédérique Brunnquell - Le Bûcher des illusions - Albin Michel - Chronique dans le magazine DiversionsSoazig, Marion, Sidonie, Natacha, Florian et les autres, Frédéric Brunnquell les a tout d’abord rencontrés dans la vraie vie. Il en a fait des personnages, comme il l’écrit dans sa préface, « pour leur accorder le droit au romanesque ». Ce sont donc ces existences « semi-imaginaires » dont nous entretient l’auteur, aux quatre coins de France. Vendeuse de journaux, femme de marin, costumière, limonadier… Si leurs situations professionnelles sont diverses, ils et elles ont en commun une certaine peur face à l’avenir. L’auteur s’intéresse en effet à la classe moyenne, celle qui souffre en particulier depuis quelques années, et on ne sera donc pas surpris de croiser parmi cette galerie de personnages attachants Francine et Lydie, Gilets Jaunes qui décidaient en 2018 d’exprimer « ces sentiments jugés honteux et trop longtemps refoulés ». Mais le mouvement social emblématique de ce début de XXIe siècle est le seul exemple de démarche collective dans le roman, car la plupart du temps, les personnages se retrouvent seuls face à leur destin.

« [T]u étais riche de deux choses qui ont disparu : la solidarité de classe et la fierté », lance Marc à son père, ancien mineur. Lui travaille dans un bar pour le Smic après ce que l’on peut qualifier de chute de l’échelle sociale. Si certains ont sonné l’an dernier la fin de l’abondance, d’autres ne l’ont jamais vraiment connue. Sidonie, costumière pour le théâtre, est contrainte de faire des massages pour subvenir aux besoins de sa famille, tout en devant composer avec les tracas administratifs. Le bûcher des illusions exprime ce « souffle froid de l’angoisse », qui est le quotidien de millions de Français et pousse même certains à s’interroger sur la pertinence de faire encore des enfants. Un quotidien de système D, d’enchaînements de crédits à la consommation qui finissent par vous étrangler. « Dépenser ici, reprendre là, la pyramide de Ponzi des temps modernes ». Le roman chronique aussi une époque, celle des centres-villes gentrifiés, des mères célibataires, de la fermeture des petits commerces et de ces lambeaux de ville que l’on nomme zones commerciales. Au milieu de cela, des portraits sobres et sensibles de personnes composant une société morcelée, où l’esprit syndical est impuissant face à la course aux primes. Pourtant les relations humaines n’ont peut-être pas totalement disparu, à l’image de Marion, coiffeuse à domicile, aimant « glaner des bribes d’intimité, passer d’une vie anonyme à une autre », belle définition du travail de Frédéric Brunnquell en somme.

Dominique Demangeot

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