Du 25 au 29 avril, l’Opéra de Dijon présentera sa nouvelle production en portant à la scène la tragédie lyrique de Quinault et Lully datant de 1686, et contant les amours d’une magicienne et d’un croisé. Après Così fan tutte, la relation contrariée entre Armide et Renaud est une nouvelle occasion pour Dominique Pitoiset d’évoquer la « guerre des sexes », comme il le dit lui-même.
L’œuvre, en six parties, est une commande de Louis XIV à Lully et son librettiste afin de célébrer les guerres d’annexion ayant permis de rapporter, dans le giron du royaume de France l’Alsace, la Lorraine, le Luxembourg et les Flandres. Pour le livret, le choix du roi se porte sur un poème épique du Tasse, un extrait de la Jérusalem délivrée, adaptation du récit des amours de Penthésilée et Achille. Lorsque le pape appelle à la croisade contre les musulmans, les troupes françaises traversent le Moyen-Orient et arrivent à Damas où règne le roi Hidraot. Sa nièce Armide a été formée par les services secrets de son oncle, « une sorte de Mata Hari de l’époque, qui pour défendre son peuple, excelle dans l’art du mensonge et de la séduction », souligne Dominique Pitoiset. Au camp chrétien de Godefroy de Bouillon, dix chevaliers se portent volontaires pour protéger Armide (qui les a envoûtés) et sont faits prisonniers. Renvoyé du camp pour avoir tué en duel un autre chevalier, Renaud est le seul à ne pas avoir été envoûté. Godefroy de Bouillon lui donne alors pour mission d’aller libérer ses compagnons. Armide parvient à faire tomber Renaud dans un piège… mais cette dernière tombe finalement amoureuse du chevalier ! « Et c’est là où les choses vont de mal en pis. Cette femme va éprouver du sentiment. Et quand on a trop de sentiment, on s’expose ! »
Dominique Pitoiset invite le chorégraphe baroque Bruno Benne et six danseuses, dans cette version d’Armide qui n’est pas contextualisée dans son (grand) siècle de création. « Je serais plutôt dans une version dite un peu dystopique ». Du côté du casting, le rôle titre sera interprété par Stéphanie d’Oustrac et Cyril Auvity sera Renaud. Vincent Dumestre dirigera Le Poème Harmonique. « L’orchestre sera un peu plus haut, puisqu’à Versailles, il est plus haut et plus visible. La question était: comment Louis XIV s’offre un théâtre dans le théâtre », précise Dominique Pitoiset qui évoque également « un monde tout blanc qui est l’univers des protagonistes […] et puis ce gradin issu du théâtre anatomique, des jeux du cirque, le côté presque bifrontal avec la salle qui sera plutôt l’espace du chœur et de quelques protagonistes en attente, le lieu de l’observation.» Une observation pas seulement clinique, mais aussi comportementale, précise Dominique Pitoiset. Des vidéos seront également projetées sur un écran.
Dans cet opéra qu’il qualifie de « difficile mais absolument enthousiasmant », le metteur en scène a notamment été intrigué par l’oncle d’Armide. « Il profite du jour de la célébration du triomphe, pour dire à sa nièce qu’il serait comblé, si après la célébration de la victoire, elle désignait un éventuel mari qui pourrait lui faire un enfant… ». Le souverain s’inquiète en effet de la transmission du trône, n’ayant pas de petit-fils. « La question de l’enfant c’est un sacré sujet : porter l’enfant de l’ennemi, c’est un sacré sujet. Je vais essayer de m’employer à cette problématique. »
– Paul Sobrin – Propos recueillis par Caroline Vo Minh –
Armide, Dijon, auditOrium, 25, 27 et 29 avril à 20h
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