ROMAN
Albin Michel
Parution le 1er mars 2023
Après une première démonstration de force au Japon en 1945, les Américains poursuivent au début des années 50 leurs recherches autour de la fission nucléaire sur une base militaire du Nevada. Si les hommes sont tout à leur « jouissance du pouvoir », les épouses attendent sagement à la maison en préparant des « apéritifs atomiques ». Summer est l’une d’elles, mais l’arrivée de Charlie, jeune femme libérée (en apparence), va bouleverser son fragile équilibre.
Les Mauvaises Épouses, c’est un peu « Desperate Housewives » pendant la Guerre Froide, une référence qu’assume d’ailleurs Zoe Brisby qui a situé son action dans la tranquille zone résidentielle d’Artemisia Lane. Pourtant derrière le vernis impeccable des belles maisons avec leur pelouse tondue de frais et le mirage du « couple parfait », se dissimule une vision moins idyllique de l’Amérique. Si elle s’efforce de donner le change, Summer reste effacée aux côtés de son mari, brillant chef du département scientifique de l’agence de l’énergie atomique, mais moins doué dans les affaires de couple. Lorsque Charlie débarque à la base, la jeune femme, qui écoute du rock’n’roll, parait plus délurée (et plus enthousiasmante) que l’armée de ménagères désespérées qui s’agitent autour de Summer. Cette dernière va pourtant découvrir que le beau sourire de l’époux de Charlie n’est peut-être, là encore, qu’une façade.
Tout le roman semble d’ailleurs osciller entre un calme apparent, « un décor de théâtre » et une réalité plus ambigüe. Un miroir aux alouettes qui détourne notre regard d’un danger pourtant bien présent, même si Summer semble avoir une intuition de la chute. « Elle a l’impression d’être un verre déjà fissuré qui n’attend qu’un nouveau coup d’éclat ». Produire l’énergie nucléaire consiste à faire entrer en collision des noyaux d’atomes d’uranium, une réaction en chaîne qui n’est pas sans danger. De la même manière, la petite vie rangée de Summer va se voir bouleversée par Charlie. Les « yeux scalpels » de sa voisine ont attisé en elle un feu qu’elle peine encore à définir. Reste à savoir si Summer acceptera de se laisser consumer jusqu’au point de non retour.
Marc Vincent