ROMAN
Léo Scheer
Parution le 11 janvier 2023
C’est lorsqu’elle retrouve par hasard un Polaroid pris par sa sœur à la fin des années 70 que Nathalie Rheims décide d’écrire sur la relation secrète nouée avec le chanteur Mouloudji. Si elle ne le cite jamais dans ce vingt-troisième roman, on reconnaîtra aisément l’interprète du Déserteur.
Après avoir défrayé la chronique en 2015 avec son livre Place Colette, dépeignant sa découverte de l’amour charnel avec un comédien de 45 ans (elle encore adolescente), Nathalie Rheims relate à présente sa deuxième histoire avec un homme là encore bien plus âgé qu’elle. « Entre [s]es 18 ans et ses 55 », le temps semble être une donnée mineure pour la jeune comédienne qui poursuit son chemin entre les études au Conservatoire d’art dramatique de la rue Blanche et son rôle dans La Mante polaire aux côtés de Maria Casarès. Un parcours, un tourbillon qui est aussi une quête de liberté pour la narratrice cherchant à s’affranchir de son milieu bourgeois, quitte à se brûler les ailes. Mouloudji, lui, est arrivé à une étape de sa carrière où il refuse le star-system.
C’est cette envie de mettre les voiles qui rapproche le chanteur « anarchiste sans doctrine » et la jeune femme tout juste majeure, cette dernière s’assurant de ne pas « se claquemurer aux choses du ménage », citant au passage Armande dans Les Femmes savantes. Au long des jours, le titre faisant référence à une chanson de Mouloudji, est aussi l’occasion d’évoquer la carrière du chanteur, sa jeunesse au Parti communiste, les cours de théâtre, la littérature et une époque, la fin des années 70, où les idéaux révolutionnaires d’après-guerre étaient encore d’actualité (l’institution du mariage et sa « cage dorée » en prenant elle aussi pour son grade). Une brise libertaire souffle sur ce beau roman, et ramène la narratrice à l’aube de l’âge adulte où il s’agissait, en art comme en amour, d’ « aller plus loin, […] explorer cette nouvelle terre qui n’avait rien de paisible. »
Dominique Demangeot