L’été dernier, le public avait pu découvrir davantage qu’un spectacle au 76e Festival d’Avignon, plutôt une installation immersive et une « expérience plastique » comme le souligne le Théâtre Dijon Bourgogne où ANIMA fera escale en janvier 2023. Maëlle Poésy et Noémie Goudal se sont inspirées de recherches en paléoclimatologie pour concevoir ANIMA, évoquant en particulier le désert du Sahara dont on prédit qu’il pourrait redevenir un lieu à la végétation luxuriante, comme il le fut par le passé.
L’installation qu’est ANIMA mêle les photographies et les films de Noémie Goudal, la musique et les arts du cirque. La paléoclimatologie est l’un des sujets fétiches de l’artiste qui en 2022 présentait aux Rencontres d’Arles son exposition Phoenix, autour du « temps profond », à savoir l’histoire géologique de la planète. Son film Inhale Exhale (2021) mettait en évidence le mouvement perpétuel de la planète bleue. Les Rencontres d’Arles parlaient d’ailleurs de « travail théâtral » au sujet des recherches de l’artiste. En ces temps d’angoisse climatique, le travail des paléoclimatologues, qui fouillent le passé climatique pour prévoir la météo du futur, est d’autant plus nécessaire. ANIMA est né de la série photographique de Noémie Goudale Les Mécaniques et de l’exposition Post Atlantica.
Des images surgissent de trois écrans géants pour dépeindre la transformation de paysages par le feu ou l’eau, comme une allusion aux catastrophes climatiques qui semblent devenir notre lot quotidien ces dernières années (mégafeux, inondations…). Chloé Thévenin a composé une musique qui est un assemblage de sons venus de la jungle, ou de liquides, mais aussi des sons électroniques. ANIMA illustre les métamorphoses de la planète (et de son climat), une impermanence qui nous appelle à davantage d’humilité. Les palmiers-dattiers que l’on peut admirer datent d’une époque où le Sahara était bel et bien « vert », mais des techniciens qui viennent modifier le paysage nous rappellent que rien n’est éternel. Car le feu couve et l’orage guette. Même la roche finit par céder face à l’érosion de l’eau. Quant à la circassienne Chloé Moglia, elle est suspendue dans le vide comme pour signifier la fragilité des écosystèmes. Dans son roman Climax paru l’an dernier (Flammarion), Thomas B. Reverdy évoquait une catastrophe environnementale à venir. L’accident venant de se produire sur une plateforme pétrolière offshore n’était qu’un signe avant-coureur. La plateforme pétrolière menaçant de s’effondrer symbolise cet équilibre précaire (le fameux « climax » du titre) sur lequel s’est engagée l’humanité. Mais sommes-nous tributaires du destin, à l’image de ce dé qu’on lance dans une partie de jeu de rôle, et décide de notre parcours, ou peut-on encore changer les choses ?
– Marc Vincent –
ANIMA, Théâtre Dijon Bourgogne (Parvis Saint-Jean), du 6 au 14 janvier
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À voir aussi à Chalon-sur-Saône, Espace des Arts, 24 et 25 février