Après plusieurs mois de travaux, l’équipe du Centre Dramatique National Besançon Franche-Comté a réintégré ses locaux rue de la Mouillère. La première pièce de la saison du CDN sera une création (ou plutôt un « chantier-création ») dirigé par Célie Pauthe, en collaboration avec Marie Fortuit. Des fragments de la comédie pastorale de Shakespeare Comme il vous plaira seront présentés, sur une traduction de Pascal Collin, et interprétés par des comédiens et des comédiennes de la promotion du DEUST Théâtre de l’Université Besançon Franche-Comté.
Écrite en 1599, la pièce n’est pourtant pas sans liens avec l’époque actuelle. « La ré-ouvrir aujourd’hui, à l’heure où les écosystèmes forestiers sont menacés et où la question des genres assignés est profondément remise en cause, provoque en effet une sensation de vertige, d’émulation poétique et intellectuelle », soulignaient Célie Pauthe et Marie Fortuit en mars dernier dans un communiqué. Il faut dire que l’œuvre de Shakespeare est sous-tendue par un fort sentiment de révolte, incarné par les jeunes personnages fuyant dans la forêt. Ils tentent d’échapper à « un ordre politique inacceptable et à la violence des pères » comme le disent encore Célie Pauthe et Marie Fortuit. Les rôles de Rosalinde et Orlando seront interprétés par plusieurs comédiens et comédiennes, « qu’ils soient féminins, masculins, ou non-binaires ».
La pièce nous transporte dans la forêt d’Ardenne où Rosalinde et sa cousine Célia partent se réfugier. La première fuit son oncle qui a des vues sur elle. Les deux jeunes femmes y croisent de nombreux personnages, des créatures sauvages mais également des êtres humains qui ont choisi eux aussi de vivre à l’écart de la « bonne » société, à l’image de Jacques le mélancolique, que l’on retrouve dans plusieurs pièces de Shakespeare, et dont le monologue ici est resté particulièrement célèbre, septième scène de l’acte 2 : « All the world’s a stage ». Le monde entier est une scène de théâtre. Phrase célèbre qui ouvre le monologue décrivant les différentes périodes de la vie d’un être humain. Un monologue qui appelle notamment à l’humilité, la vie d’un homme possédant la brièveté d’une pièce de théâtre. Jacques ressent de la compassion pour un animal blessé :
« Ainsi, dans les termes les plus aigres, il pique au corps
La campagne, la ville, la cour,
Oui, jusqu’à cette vie que nous menons, proclamant que nous sommes
De purs usurpateurs, des tyrans, et ce qu’il y a de pire encore,
À terroriser les animaux et à les exterminer
Sur leur lieu de naissance et dans leur demeure légitime. »
Pour Jacques, l’homme n’est pas au centre de l’écosystème. Une autre thématique centrale dans la pièce est le genre, Rosalinde et Célia se travestissant en hommes dans leur fuite. On peut alors se demander si Orlando est attiré par la femme derrière le déguisement, ou par l’homme représenté. « Entre désir homosexuel chez Orlando, et trouble dans le genre chez Rosalinde, Shakespeare projette son duo de jeunes amants (en fait trio fantasmatique), dans une quête éperdue et extraordinaire d’un nouveau pacte amoureux. »
– Dominique Demangeot –
Comme il vous plaira [fragments], Besançon, Centre Dramatique
National Besançon Franche-Comté, 4 novembre à 19h, 5 novembre et 10 décembre à 18h
En tournée régionale. Toutes les dates sur cdn-besancon.fr