CARNET DE VOYAGE
Artisans-Voyageurs Éditeurs
Parution le 24 mars 2022
Maxime Péroz vit et travaille à Besançon. Laurent Devèze a occupé pendant plus de dix ans le poste de directeur de l’école d’art de la capitale comtoise. Tous deux ont un rapport particulier au voyage. Le premier est illustrateur et nous fait part de ses tribulations dans ses dessins, le second, auteur et philosophe, fut aussi diplomate. Ils se sont souvent croisés, ont travaillé ensemble sur des expositions et se livrent aujourd’hui à une correspondance d’un genre particulier, Laurent Devèze répondant par écrit aux dessins envoyés par Maxime Péroz depuis le Japon.
S’il revient dans Correspondance sur des séjours accomplis durant deux étés, Maxime Péroz n’en est pas à son premier périple à l’autre bout du monde. Il a notamment arpenté le Vietnam et le carnet de voyage lui est une pratique courante. Quelques dessins pour abolir les distances. Maxime Péroz envoie ses missives dessinées à Laurent Devèze resté perché dans son appartement bisontin. Ce dernier prend la balle au bond pour évoquer ici la place de l’artiste dans notre société, « en marge du centre adulé » (excentricité…), là l’univers urbain japonais si contrasté, entre maisons traditionnelles et enseignes KFC. Le Japon n’échappe pas à la mondialisation et aux raccourcis du tourisme de masse. Maxime Péroz au contraire prend son temps pour « sentir » le Japon et en rapporter des scènes sans artifices, loin des chemins balisés et des centres où tout le monde porte son regard.
Il faut dire qu’à l’heure des « start-up nations », comme disait l’autre, la destination compte davantage que l’expédition. Et si smartphones et autres outils multimédia ont remplacé la feuille et le crayon, cela n’empêche pas Maxime Péroz de dessiner, sur le vif, des instants du quotidien, tandis que son compère en profite pour développer des réflexions plus globales sur le fort marqueur culturel qu’est la cuisine, sur le temps qui passe, le vivre-ailleurs et notre rapport à l’autre. Les scènes urbaines et les paysages naturels alternent avec les portraits. L’illustrateur déambule dans les rues d’Osaka, Yokohama, Nagasaki de triste mémoire, s’invitant ici et là, se faisant discret lorsqu’il faut croquer une scène, ces personnes assoupies ignorant qu’on les immortalise : « Les écrivains vivent souvent sous les toits regardant tout alentour depuis leurs hautes fenêtres, les dessinateurs aussi; ils extirpent en les dessinant les êtres et les choses de ce fleuve qui les emportent tous vers l’oubli. » La teneur nippone de ces carnets n’interdit pas le portrait d’une cité bisontine alanguie un dimanche d’été, et quelques souvenirs de Franche-Comté que Laurent Devèze a appris, lui aussi, à apprécier, avant de repartir bientôt, voyageur impénitent, « ailleurs goûter d’autres cuisines ».
Dominique Demangeot