L’an dernier, Diversions rencontrait à la Coopérative de Belfort la compagnie SF, qui venait présenter une première étape de sa nouvelle création, Divertisserie. On pourra retrouver la pièce à l’Espace des Arts les 19 et 20 mai prochains. Le metteur en scène Sébastien Foutoyet s’était confié à Diversions sur les conditions de création de cette pièce (d)étonnante qui nous plonge dans le flot continu de l’espace public.
Pour Divertisserie, vous vous êtes inspiré de séquences de vie « volées » (comme vous le dîtes vous-même !) dans la rue.
C’est un projet où je suis parti dans trois villes différentes en périphérie parisienne: Garges-lès-Gonesse, Gonesse et Écouen, avec une petite table d’écolier sur roulettes et un tournesol en plastique. Pendant une semaine dans chaque ville je déplaçais ma table d’écolier pour apprendre la rue, voir ce qui s’y passait, avec des particularités dans chacune. Je circulais de jour comme de nuit dans l’espace public et je regardais, je volais, je fantasmais aussi, j’interprétais et puis je prenais des notes sur un cahier.
Vous vous êtes également intéressé à la notion de flux, en regardant passer toutes ces personnes.
Ça part vraiment d’une observation de l’espace public, de la rue, de tout ce qui se passe dans cet espace, et il n’y a presque rien d’inventé. Dans ce spectacle, on questionne la place de l’artiste dans l’espace public.
Quelles questions ont surgi d’emblée ?
Comment est-ce qu’on fait pour survivre là-dedans ? Est-ce que l’espace public est si public ? Est-ce que c’est juste un lieu de passage ? De commerce ? C’était extrêmement riche, d’une beauté inouïe, dure, très dure, violente puisque les gens qui pouvaient se poser à côté de moi étaient des gens qui étaient dans la rue, qui avaient le temps. L’atrocité, c’est les gens qui passent, ne prennent pas le temps pour un instant de poésie, pour un instant de discussion et qui vont au travail, qui reviennent, qui vont au travail, qui reviennent… Ils ne se rendent même plus compte de ce mouvement, font partie de la machine. Ceux qui prennent le temps sont un petit peu en marge de ce fonctionnement-là.
Comment avez-vous choisi d’agencer toutes ces informations recueillies ?
Je suis sorti de cette aventure-là avec quatre cahiers 96 pages et puis j’ai retranscrit. On l’a posé à La vache qui rue (lieu de résidence pour compagnies et artistes de rue à Moirans-en-Montagne, NDLR) et fait une écriture de plateau, vivante, en disant : « moi je vais essayer
d’interpréter ce personnage-là ». On a vraiment voulu recréer le système de la rue avec des passages, des allers, des retours, des gens qui d’un seul coup s’arrêtent. Et puis toujours ces paradoxes entre le mouvement de beauté et puis la misère, et puis la violence… J’aurais aimé avoir plus d’artistes sur le plateau qui auraient pu créer ce mouvement-là. On essaie en réduisant l’espace, en comprimant, en essayant de mettre les spectateurs au plus près pour faire une sorte de va-et-vient incessant.
– Propos recueillis par Caroline Vo Minh –
Divertisserie, Chalon-sur-Saône, Espace des Arts (Grand Espace), 19 et 20 mai à 18h30
https://www.espace-des-arts.com/lespace-des-arts/productions-tournees-1/coproductions/divertisserie