Strasbourg – Les Serpents au Théâtre National de Strasbourg

L’adaptation par Jacques Vincey du roman de Marie Ndiaye poursuit sa tournée et passe en ce moment par le Théâtre National de Strasbourg. Dans Les Serpents, une figure masculine est tapie dans l’ombre, dans une maison entourée de champs de maïs, un homme que l’on ne verra pas mais qui est le centre d’attention des trois protagonistes. Figure toxique, « l’ogre, le vampire qui se nourrit et se régénère en dévorant ses enfants » comme le note le metteur en scène. 

Photo : Christophe Raynaud de Lage

Un jour d’été pesant. Un 14 juillet. Madame Diss rend visite à son fils pour lui demander de l’argent , mais sa belle-fille France, refuse de la laisser entrer. Quant à l’ancienne amante de son fils, Nancy, elle est tapie dans les champs de maïs, observant la maison. Son fils est mort, et c’est l’homme dans la maison qu’on accuse. Voici trois femmes qui entretiennent un lien mystérieux avec l’homme, à la fois absent et sur toutes les lèvres, « entre peur et nécessité du lien, dépendance affective et affranchissement, désir de liberté et culpabilité de l’abandon », souligne Jacques Vincey. Ce dernier collabore une nouvelle fois avec un groupe de comédiennes (Hélène Alexandridis, Bénédicte Cerutti et Tiphaine Raffier). Sur les conseils de Stanislas Nordey, il s’est penché sur Les Serpents de Marie Ndiaye, appréciant d’emblée « la puissance des sensations et des images ».

Le roman, paru aux Éditions de Minuit en 2004, explore aussi une part d’inconscient. Pour aborder cette large palette narrative, entre fait divers et conte fantastique, ainsi que les failles des différents personnages, Jacques Vincey a souhaité donner corps à un « espace intermédiaire, inconfortable et instable, un lieu de transition ». Pour cela, avec le scénographe Mathieu Lorry-Dupuy ils ont préféré stimuler les sens du spectateur plutôt que représenter concrètement les choses. Une ambiance sonore, discrète mais prenante, est alors distillée tout au long de la pièce, évoluant imperceptiblement, s’insinuant, comme la lumière, pour donner corps à « ces glissements d’un niveau de réalité à un autre ». Dans une première partie de la pièce, c’est le seuil de la maison qui est arpenté, pour ensuite entrer dans ce « point obscur, le « trou noir »» qui absorbe ou expulse ces femmes sans qu’on n’en connaisse autre chose que ce qu’elles en racontent »,comme le dit encore Jacques Vincey.

Paul Sobrin

Les Serpents, Théâtre National de Strasbourg, du 27 avril au 5 mai
https://www.tns.fr/LesSerpents

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