ROMAN
Albin Michel
Tout le monde a oublié le nom de Max Toppard, alors que l’homme joua un rôle clé, bien que particulièrement discret, dans l’histoire du septième art. Une jeune journaliste va alors enquêter sur sa vie. Nicolas d’Estienne d’Orves balaie un demi-siècle de cinéma, de ses prémisses jusqu’aux années 60, et prend un malin plaisir à dérouter son lecteur, manipulant fiction et histoire.
Nous sommes à la fin du XIXe siècle et la fée électricité s’apprête à réaliser quelques miracles dont le cinéma ne sera pas le moindre. Pour Max Toppard, sa rencontre avec l’art de Méliès dans une fête foraine est un moment décisif. Il va croiser quelques grandes figures de l’image animée, et même en inspirer certaines, de Charlie Chaplin à Orson Welles. Celui qui n’eut « jamais de rôle défini » comme l’affirme Michel Simon, semble également posséder une réputation sulfureuse. Son seul nom suscite parfois même la crainte, voire l’effroi. Nicolas d’Estienne d’Orves propose un nouveau roman à la construction diabolique, non sans quelques clins d’œil. « Dans cette histoire, tout est affaire de mots. […] Vous pénétrez dans un univers où les données du réel sont différentes, pas inversées, mais désaxées », fait-il dire à son personnage-romancier René Graindorge…
Les confidences de Toppard alternent avec le récit de l’enquête de la journaliste, une investigation qui s’opère dans le Paris des années 60, capitale en pleine transformation. L’autre thème central est cette tendance de l’espèce humaine à faire table rase du passé, à l’image des amis de Max Toppard, dont Igor qui veut remodeler le roman et Benoît, l’architecte, qui souhaite faire de même avec Paris. Toppard, ce génie de la lumière qui préféra rester dans l’ombre, reste un personnage fuyant, se dérobant à ceux qui le côtoient et au lecteur. Quel lien entretient-il avec le sulfureux cinéma Belphégor ? Et avec ce livre maudit dont il serait à l’origine ? Nicolas d’Estienne d’Orves orchestre de main de maître son mystère Toppard, ce dernier aspirant à percer le mystère de la « beauté atroce, […] celle de la vie elle-même ». La jeune journaliste le suit dans cette quête d’absolu, quitte à s’y perdre elle-même.
– Dominique Demangeot –