ROMAN
Gallimard
Dans son appartement de la rue du Cherche-Midi, on peine à distinguer les murs derrière les tableaux de maîtres, héritage impressionniste d’une famille d’artistes qui accueillit également dans ses rangs Paul Valéry. Un legs illustre et parfois lourd à porter qui n’a pas empêché Jean-Marie Rouart de mener sa propre barque entre journalisme et littérature. L’auteur revient sur quelques moments clés de cette existence ballottée entre « folie artistique héréditaire et […] pesanteurs de l’existence bourgeoise. »
C’est entre ces deux mondes que l’Académicien évolue depuis l’enfance, dont il nous donne un aperçu dans cette collection de récits autobiographiques : passage par l’école Montessori, souvenirs d’une maison familiale détruite sur l’île de Noirmoutier ou encore sa tante Victoria, Basque haute en couleur moins connue que ses arrière-grands-pères les peintres Henri Rouart et Henry Lerolle, mais qui gagne à l’être. Il y a aussi le grand-père Louis, dont les instincts sombres ont été légués à son fils Augustin, père de Jean-Marie. De cette famille où l’on peint comme on respire, Rouart déplore « la rapide déchéance ».
Cette « part sombre de Jean-Marie Rouart » comme l’écrit Dominique Bona dans Mes vies secrètes (Gallimard, 2019), n’occulte pourtant pas une envie féroce de mots à travers le journalisme tout d’abord, au Figaro à son âge d’or avec Pierre Brisson et François Mauriac, puis au Quotidien de Paris de Philippe Tesson, qui lui offre l’opportunité de quitter la politique pour la critique littéraire. Jean-Marie Rouart fait ses gammes au Parlement, ce qui nous vaut une truculente description des députés de l’époque. De sa vie personnelle, on retient un épisode savoureux avec une jeune et pétillante Katherine Pancol, et ces moments en compagnie de
« Jean d’O », à qui il voue une tendresse particulière malgré quelques orages. On suit l’Académicien à travers ses combats comme celui pour Omar Raddad, quitte à s’attirer les foudres de l’institution judiciaire.
Mes révoltes évoque enfin l’impénétrable mystère de la destinée – si tout est écrit, alors chaque vie peut s’apparenter à un roman -, et ces chemins vers l’indépendance souvent détournés et semés d’ornières. Une liberté que sut gagner sa grand-tante Julie (fille de Berthe Morisot et Eugène Manet). Le romancier eut voulu jouir de « la même liberté de ton, la même indifférence pour ce qui n’élève pas l’esprit. » Faute de mieux, il en tire un beau livre.
– Dominique Demangeot –