ROMAN
Le Tripode
Dans notre monde où les réseaux sociaux brassent quelques milliards d’images à la seconde, l’impensable se produit : les appareils photos sont devenus totalement impropres à reproduire la présence humaine. Alors qu’il grandit en Provence, le jeune narrateur du deuxième roman d’Olivier Mak-Bouchard voit alors son existence complètement chamboulée.
Il faut dire que sa mère avait repris les rênes de l’entreprise de son époux photographe après le décès de ce dernier. Mais à quoi peuvent bien désormais servir les appareils photos et nos smartphones s’ils ne peuvent plus immortaliser nos portraits ? Les dessins faits à la main remplacent alors les portraits photographiés. Très vite un autre phénomène encore plus étrange se produit : des « grêlons » se mettent à tomber du ciel. Entendez par grêlons, non pas ces blocs de glace s’abattant en giboulées au printemps, mais tous les êtres humains photographiés depuis l’invention de la pellicule et qui reviennent sur terre.
Notre héros (dont on n’apprend le prénom qu’à la fin de l’histoire) voit la société se transformer. On pourrait croire que la disparition de l’image photographiée calmerait le narcissisme ambiant à l’heure d’Instagram et de TikTok, mais l’animosité d’une partie de leurs contemporains pour ces êtres venus du ciel se transforme rapidement en une véritable haine. Le parti des frelons séduit de plus en plus et nous rappelle des heures bien sombres de l’histoire – voire de notre temps présent ? -. L’auteur du Dit du Mistral (Le Tripode, 2020), retrouve la Provence d’où il est originaire avec ce nouvel ouvrage, mais qui se situe ici entre fable, conte initiatique et roman de science-fiction. La poésie y tient également sa place, dans le personnage d’Arthur Rimbaud qui finit par revenir comme tout nos (plus ou moins) chers disparus, mais aussi dans la manière qu’a Olivier Mac-Bouchard de raconter son histoire pétrie d’humanisme.
Paul Sobrin