En septembre 2019, Heretic Eye Rude (H.E.R. pour les intimes) faisaient leurs premiers pas sur scène à Besançon à l’occasion d’une création littéraire et musicale en compagnie du romancier américain Mark SaFranKo. Un premier concert (en mars 2020 à Besançon toujours) et quelques confinements plus loin, H.E.R. dispose enfin d’une fenêtre de tir pour sortir son premier EP.
Les Francs-Comtois ont peut-être déjà entendu la voix du chanteur Aintwane (en vrai c’est Antoine), lorsqu’il officiait au sein du groupe notoirement réputé pour ses influences grunge, Exhausted. On sait donc le chanteur habité lorsqu’il est sur scène (ou simplement quand on place un micro à proximité de son menton hirsute). Et c’est bien ce qui fait l’originalité de H.E.R. (si tant est que l’originalité soit encore possible en matière de rock). H.E.R. affiche des atours clairement métal, à commencer par la guitare virtuose et versatile de Gil, «ex- Ezra – rock musclé -, Ashes – big rock electro – et Up To You – métal fusion », dixit Antoine. H.E.R., c’est un peu tout ça à la fois, ce premier EP bénéficiant d’une production particulièrement léchée comme en témoigne Winters, peut-être le titre à l’influence la plus pop de l’opus, et les arrangements fouillés de Just Sunday. Le chant pourtant nous renvoie davantage vers des fillettes du calibre Eddie Vedder et Layne Staley que Marilyn Manson. En bref, Antoine a avalé un tigre plutôt qu’un dragon. D’ailleurs, on ne sait pas si Kindergarten parle à mots couverts d’œufs en chocolat mais une chose est sûre, ce morceau représente parfaitement l’équilibre instauré par H.E.R. entre alchimie métal et rock plus sale.
Sharp nous emmène encore ailleurs au moyen de quelques progs bien senties et de power chords mordants. H.E.R fait hurler les chiens aux canines bien pointues (ou l’on ne sait quelle bestiole débarquée tout droit des Enfers, gloire à toi Satan…). My Face débute par un riff blues, mutant très vite en quelque chose de plus rock, morceau là encore fichtrement efficace qui alterne le calme et la tempête. Signalons enfin que l’on peut entendre, sur le site web du groupe, le titre Ambiance, en réalité réunion de deux morceaux indépendants, Electric Soul, qui introduit H.E.R. sur scène, et Fine qui dévoile encore une autre facette que l’on pourrait presque qualifier de progressive (c’est pas du Marillion non plus hein), démontrant assez magistralement toute la déflagration sonore dont est capable H.E.R. On a hâte d’entendre la suite.
Dominique Demangeot