BLUES
Provogue Records
À la problématique de déterminer jusqu’où le blues pouvait aller, avec des fines lames de la trempe de Gary Moore, Stevie Ray Vaughan ou Rory Gallagher, la réponse était : l’infini. Ce qui n’est déjà pas si mal. On entend déjà les énervés de la nouveauté s’agacer qu’il s’agisse d’un énième album de blues, posthume qui plus est, mais l’amateur de bons licks bluesy ne va pas bouder son plaisir à l’écoute de cette poignée de nouveaux titres, de la part du guitariste irlandais qui nous quittait il y a dix ans déjà.
Il est vrai que cet album posthume est original comme une tartiflette un samedi soir dans un chalet des Alpes. Mais la nouveauté, la hype, ce n’est pas ce que l’on cherche quand on décide d’écouter un artiste de la trempe de Gary Moore. Le blues, c’est aussi rendre hommage aux grands standards, comme ce morceau de Johnny Moore créé en 1949, qui donne son titre à l’album. Le blues, c’est souvent ne pas hésiter à chausser les godillots de ses aînés et à ce petit jeu, Gary Moore était roi. Ses légataires ont plongé les mains dans son catalogue qui semble comporter encore de nombreux titres jamais sortis. De la slide glissant dans les pas de celle d’Elmore James sur Done Something Wrong, à cette chaude, chaude reprise de Memphis Slim, Steppin’ Out, au grain de guitare particulièrement touffu, voilà une bien belle setlist. On y retrouve notamment Freddie King et son I’m Tore Down que Moore appréciait particulièrement reprendre en live. How Blue Can You Get nous rappelle quant à elle que le blues est autant une affaire de notes bien placées que de silences savamment dosés. Pas étonnant que le King, prénom BB, ait repris ce titre.
Citons encore Looking At Your Picture, un autre morceau original de Gary Moore avec son riff un peu roots, un titre moins virtuose que d’habitude sous-tendu par une batterie saccadée, l’autre bonne surprise de l’album où l’artiste délaisse les grandes envolées pour un blues plus rugueux. Quant à In My Dreams, un titre original de Moore, l’amateur de blues tire-larmes retrouvera sans peine (jusque dans ces nappes de clavier sanglotantes), des bribes de Parisienne Walkways, Still Got The Blues, The Loner et autres Story Of The Blues (oui, il en a tout de même fait des camions avec ce genre de titres). Toujours du côté des slows, Love Can Make A Fool Of You est présenté ici dans une version alternative. Que dire qui n’ait déjà été affirmé, répété, rabâché sur les soli bluesy de l’ami Gary ? Cette Les Paul menée de main de maître, prompte aux détournements de pentatonique mineur, baignée dans un gros larsen maîtrisé, mais qui peut vous exploser à la tronche à chaque instant, se voit miraculeusement ressuscitée avec cette nouvelle et il serait dommage de s’en priver.