CHRONIQUES MUSICALES
Harper Collins / France Inter
Chroniqueur sur France Inter depuis 2013, André Manoukian n’a pas son pareil pour rendre communicative sa passion. Devant un piano, à la télévision ou en radio, il se fait à la fois prof et historien et nous montre que la musique c’est une affaire de douze petites notes, mais aussi de mathématiques, d’astronomie, de philosophie et de religion. Il endossera une nouvelle fois ce rôle de passeur dans son émission Sur les routes de la musique, 40 épisodes diffusés cet été sur France Inter du lundi au vendredi à 8h55. L’ouvrage qui vient de paraître chez Harper Collins reprend les thématiques qui seront traitées dans l’émission.
Si André revendique sa subjectivité, il étaie cependant ces quarante essais de connaissances éclectiques, évoquant solfège et harmonie en des termes simples, revenant aussi sur l’histoire de la musique qui remonte aux origines de l’humanité. Du classique au blues, de l’opéra au hip-hop, sans oublier bien sûr son jazz adoré, le télégénique pianiste démontre aussi la place centrale de la musique dans nos vies, aujourd’hui comme il y a 5000 ans, « vérité de l’instant » et « langage de la liberté ». Il revient sur le principe des « notes qui s’aiment », expression que l’on attribue à un Mozart de trois ans s’exerçant sur le clavecin de son père. Mozart, il en est question dans ce livre, où l’on croise aussi l’incontournable Bach, Beethoven, Ziryab, musicien né en l’an 800 à Mossoul, dont l’influence sur la musique arabo-andalouse (mais aussi sur l’enseignement) fut essentielle, entre autres créateurs de génie.
« Chaque fois que l’on prend son instrument, en concert ou chez soi pour pratiquer, on doit le redécouvrir, comme si c’était la première fois qu’on le jouait, en montant et descendant ses gammes, respectueusement, pendant une vingtaine de minutes. C’est une forme de méditation pour se reconnecter à l’Univers par le son. »
En bon jazzman, André Manoukian exprime son attachement à l’improvisation, nous rappelant qu’elle n’est pas née avec le jazz et que des compositeurs comme Bach, Mozart, Liszt et bien d’autres s’y sont adonné. C’est grâce à l’Afrique, au jazz et au blues, que l’improvisation reviendra par la grande porte au XXe siècle. Le musicien nous balade de l’Égypte antique aux États-Unis, de l’Inde au Moyen-Orient, tout en restant fidèle à lui-même, capable de citer Lévi-Strauss dans un chapitre sur Jean-Philippe Rameau, ou d’évoquer le chamanisme comme les derviches tourneurs. Car la musique, c’est aussi une histoire de transe, et pas seulement pour les « teufeurs » en pleine nature. La musique est avant tout une vibration, que l’on se trouve à la basilique de Vézelay où sous l’eau en compagnie… d’une crevette-pistolet, dans les grottes préhistoriques ou aux confins du cosmos. Tel l’ADN commun à tout ce qui vit sur terre, elle serait comme un trait d’union entre nous tous. Pas loin de l’essentiel donc.
Dominique Demangeot