Après une année 2020 perturbée par la crise sanitaire, le Frac Franche-Comté peut enfin dévoiler le troisième et dernier volet de sa série d’expositions consacrées à la danse qui se mêle aux arts visuels. Après Dancing Machines qui traitait des contraintes internes du corps, l’exposition Danser sur un volcan s’intéresse cette fois aux contraintes externes, comme la gravité et l’altérité.
Le titre de l’exposition, Danser sur un volcan, fait référence à l’expression qu’avait prononcée le comte Narcisse-Achille de Salvandy juste avant le début de la Révolution de juillet 1830. Lors d’une fête donnée au Palais-Royal, Salvandy aurait lancé au duc d’Orléans: « Voilà, Monseigneur, une fête toute napolitaine : nous dansons sur un volcan! ». Une manière de mettre en garde la monarchie et l’aristocratie contre des mesures de répression trop fortes en direction du peuple. « Il signifiait que le pouvoir prenait des risques inconsidérés, et cela m’a semblé pertinent de prendre cette référence comme titre de l’exposition », explique Sylvie Zavatta, directrice du Frac Franche-Comté et co-commissaire de l’exposition. « Un danseur est toujours confronté à ce risque, qui est celui de la chute par exemple ou de l’affaissement, de l’effondrement. »
La confrontation à l’autre est une deuxième thématique de l’exposition, « puisque le corps du danseur doit composer aussi avec le corps de l’autre, le regard de l’autre », dit encore Sylvie Zavatta. Les deux œuvres présentées à l’entrée de l’exposition résument d’ailleurs assez bien cette double thématique, avec d’une part la chronophotographie de Eadweard Muybridge, une série de clichés décomposant une chute seconde après seconde, et d’autre part la vidéo du spectacle de Maguy Marin, Eden, montrant deux corps prenant appui l’un sur l’autre. La pièce de Daniel Firman, Duo, illustre une danse collective, des duos dansés sous la forme de cadavres exquis, moulés sur le corps d’artistes interprètes qui ont rendu hommage au chorégraphe Steve Paxton, artiste important des années 70/80, issu de la Judson Church aux États-Unis. « Il a inventé ce concept de danse contact où justement deux danseurs s’utilisent l’un l’autre pour composer et improviser », explique Florent Maubert, co-commissaire de l’exposition. « Il y a aussi une relation à la sculpture, parce qu’un corps devient le support de l’autre corps. »
Mais pour l’artiste, ces contraintes que sont la gravité ou autrui, sont aussi des incitations à l’action. « Cette privation de liberté est au contraire une façon de prendre des risques, d’aller de l’avant, de maîtriser la gravité, la chute, de maîtriser l’autre c’est-à-dire son contact, comment apprivoiser l’autre par le contact, par le regard », explique le commissaire. Dans l’exposition, la chute est mise à l’honneur, comme l’illustre la technique du « fall and recovery » de Doris Humphrey, qui écrivait dans Construire la danse en 1959, que « toute la vie fluctue entre la résistance et l’abandon à la gravité. » La notion de poids est importante aussi, à la fois pour les danseurs et pour les plasticiens. « Ils ont eu aussi cette volonté de travailler le corps, de travailler parfois avec des corps vivants ou simplement des évocations du corps dans diverses œuvres plastiques qu’on retrouve dans l’exposition », souligne Florent Maubert.
Une fois encore, le Frac Franche-Comté a souhaité mettre en évidence le parallèle entre arts visuels et chorégraphie. « Des œuvres de chorégraphes prennent d’ailleurs des formes plasticiennes », remarque Sylvie Zavatta. « Je pense notamment à cette installation de William Forsythe qui est présentée dans une salle d’exposition, Nowhere and everywhere at the same time, et qui occupe toute la salle ». Des pendules oscillent et évoquent les mouvements du corps, mais invitent aussi le visiteur à traverser la salle, devant ainsi prendre part lui-même à une sorte de chorégraphie. Cela rappelle certaines pièces de l’exposition Dancing Machines dans lesquelles le public prenait déjà une part active.
Lors du week-end WeFrac des 17 et 18 avril derniers, le Frac Franche-Comté avait présenté plusieurs performances filmées parmi les œuvres de Danser sur un volcan. Micha Laury a ainsi proposé trois performances, traitant de la manière « dont le corps peut supporter certaines puissances qui agissent dessus, notamment la gravité ou le contact de l’autre », explique Florent Maubert. Les interventions proposées par Alexandre Nadra, déambulatoires dans différentes salles du FRAC, ont évoqué l’histoire de l’art et de la performance. Mais le Frac Franche-Comté n’en oublie pas pour autant une nouvelle génération d’artistes, à l’image du peintre Dhewadi Hadjab, qui n’avait jamais été exposé dans une institution. Avec Dream dancing, le corps du sujet photographié semble se fondre dans son environnement. L’exposition Danser sur un volcan mêle ainsi une nouvelle génération de créateurs et des artistes reconnus comme Robert Morris. « C’est aussi la mission d’un FRAC finalement, de soutenir la jeune création tout en s’appuyant évidemment sur un socle un peu plus historique », conclut Sylvie Zavatta.
Danser sur un volcan, Frac Franche-Comté, Cité des Arts, Besançon, du 20 mars au 19 septembre
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