BIOGRAPHIE MUSIQUE
L’Archipel
Voilà un moment que Jacques Dutronc n’aime plus Paris. Comme Cabrel et Ferrat, c’est loin de la capitale que l’artiste au cigare envisage la vie, en Corse en ce qui le concerne. Si le chanteur « désengagé » comme l’écrit Frédéric Quinonero, eut une riche carrière, il s’est rarement laissé leurrer par les sirènes du succès et cette biographie publiée à L’Archipel nous le démontre une nouvelle fois.
De l’enfance parisienne de Dutronc, Frédéric Quinonero n’omet rien, le père musicien un peu trop absent et la mère (un peu trop ?) permissive. L’auteur nous plonge ensuite dans les années 60 et la bouillonnante époque du Golf Drouot, les yéyés que Dutronc observe d’un regard distancié. Car c’est bien ce trait de caractère de l’ami Jacques qui prévaudra durant toute sa carrière. Celui qui intitula son album Guerre et Pets en 1980, est un boute en train mais aussi un grand timide devant l’éternel, une pudeur que Frédéric Quinonero fait transparaître avec talent dans cette nouvelle biographie. La carrière de chanteur de Dutronc démarrera d’ailleurs au hasard, sur une proposition de son patron chez Vogue où il est compositeur et assistant. Cette « distance par rapport au système » comme dira de lui Alain Chamfort, dont le groupe accompagnera Dutronc à la fin des années 60, le grand Jacques ne s’en est jamais départi.
Jacques Dutronc l’insolent est une enquête très complète sur l’artiste, sans omettre quelques parts d’ombre, des premiers groupes de potes à la rencontre, forcément historique, avec une certaine Françoise H. (la musique du deuxième tube de la jeune artiste, Le Temps de l’amour, c’est de Dutronc !, adaptation d’un instrumental composé pour Les Fantômes). On n’oublie pas le complice parolier mais néanmoins frère-ennemi Jacques Lanzmann, et les autres collaborateurs. Dans les années 80, Dutronc a toujours la désinvolture et la provocation chevillées au corps, comme l’illustre la tournée promo du fameux single Merde In France ! Les années 90 voient son grand retour, triomphal, à la scène, avec un César en prime pour son interprétation de Van Gogh réalisé par Maurice Pialat.
Il faut dire que Dutronc va alterner avec talent studios d’enregistrement et plateaux de cinéma (où il semble débarquer « par effraction » là encore). L’ouvrage fait aussi la lumière sur des créations moins connues, comme cette collaboration avec le « dessinateur-conteur » Fred (Pilote, Hara-Kiri), « livres-disques pour enfants, à destination des adultes », au début des années 70. Jacques Dutronc l’insolent bénéficie en outre de plusieurs interviews inédites menées récemment auprès de Françoise Hardy (à la fois tendre et sans concession avec son cher Jacques !) et de Dutronc lui-même. D’autres entretiens avec des proches complètent ce riche portrait, à l’image de l’ami de toujours Jean-Marie Perrier, grâce à qui Dutronc mettra un pied (puis les deux) dans le cinéma. En fin de biographie, Frédéric Quinonero relate les derniers moments avec Johnny Halliday lors de la tournée des Vieilles Canailles, et l’on a plaisir à imaginer Dutronc dans sa retraite corse avec ses chats, cultivant son (petit) jardin qui lui, ne sent pas le Métropolitain.