POST PUNK
Ninja Tune / PIAS
Pour une première fois, c’est une sacrée première fois de la part de ce jeune septuor britannique. Et cette entame sur le premier titre instrumental, très logiquement baptisé Instrumental (fallait y penser) attire irrémédiablement l’attention, de par son élan aventureux, ces cuivres qu’on n’a que si peu l’occasion d’entendre dans un contexte pop rock, cette batterie épileptique et ces influences est-européennes. Oui Black Country, New Road nous propose tout ça.
Avec ces jeunes musiciens de Cambridge (terres de Barrett, Waters et Gilmour), on est clairement ailleurs. À mille lieues d’une pop et d’un rock traditionnels et de leurs structures connues. Au contraire Black Country, New Road fait péter les frontières, déborde largement du cadre, pas très loin du free jazz, souvent dans le post-rock (Athens, France), une musique donc qui n’a pas peur d’aller explorer, quitte à placer Athènes en France. Signés sur Ninja Tune, qui a sûrement eu vent de leurs prestations scéniques que l’on raconte habitées, Black Country, New Road auront le temps de développer leur art, tout ce potentiel de la part d’un groupe formé il y a un peu moins de deux ans, et qui a déjà beaucoup de choses à dire.
Avec son timbre de voix au trente-sixième sous-sol, Isaac Wood chante dans la grande tradition des conteurs britanniques, de Ian Curtis à Jarvis Cocker. Six titres certes, mais For The First Time dépasse allègrement la longueur habituelle des EP de par ses morceaux allant de 4’44 pour le plus court… à 9’50 pour le plus long. BCNR fait éclater les formats sans pour autant perdre cette énergie punk et brute que l’on ressent fortement. Le groupe semble avoir un penchant naturel pour cheminer en plein chaos. L’intro échevelée de Science Fair avec ses cordes entêtantes, est un morceau bruitiste pour une chronique de notre époque moderne et décadente, explicitant par la même occasion une partie du nom du groupe : « It’s black country out there », le titre ménageant une lente montée en puissance, comme pour donner corps à cette pression que l’on sent d’autant plus présente depuis 2020 et ses confinements. Déflagrations sonores au diapason de notre temps.
On retrouve la guitare salie de larsen sur Sunglasses, déjà paru sur le label Speedy Wunderground de Dan Carrey, mais retravaillé ici, qui débute en faisant profil bas. Isaac Wood vacille entre chant et spoken word, avant que le titre n’appuie davantage son propos en martelant guitares et batterie chirurgicale. C’est en compagnie d’Andy Savours (The Kills, Sigur Rós, My Bloody Valentine) que les quatre gars et trois nanas ont enregistré For The First Time, en configuration live tout d’abord en même pas une semaine, avant un retour en studio pour caler quelques détails. Mais la structure de base est déjà là : cordes, cuivres, guitares et basse batterie dessinant des motifs, répétés méthodiquement, avec application (Track X) et qui finissent pas former une musique, ces climats allant du punk touffu aux sonorités des Pays de l’Est (Instrumental, Opus). Une nouvelle voie que l’on va suivre avec intérêt.