SOUL
Modulor/Ensoul Records
On se souvient encore de sa reprise de Strange Fruit, sur l’album Nameless de 2018, qui nous avait laissés sans voix. Mais de voix, Dominique Fils-Aimé n’en manque pas. C’est même le fil directeur des trois albums que nous a offerts la jeune artiste de Montréal aux origines haïtiennes, une trilogie qui s’achève ici avec Three Little Words, sur lequel elle achève son voyage dans l’histoire des musiques noires américaines. Captivant.
Three Little Words vient donc compléter deux autres albums, Nameless et Stay Tuned !, remarqués et récompensés à plusieurs reprises. Après le blues, puis le jazz, c’est la soul qui est particulièrement abordée ici. Avec Kevin Annocque, Dominique Fils-Aimé a fondé son propre label, Ensoul Records, pour éditer ces trois disques. L’artiste qui écrit, compose et co-réalise ses albums, est arrivée dans le milieu sur le tard (son premier album, elle l’enregistrait à 33 ans), le grand public l’ayant découverte dans la version québécoise de The Voice (La Voix). Sur ce troisième opus, l’orchestration s’est étoffée de cordes, de cuivres et d’un chœur féminin, comme on peut notamment l’entendre sur le majestueux While We Wait, qui surprend l’auditeur en passant d’un suave doo-wop à des arrangements vocaux et symphoniques rappelant les grandes heures de la Tamla Motown. Three Little Words est un serpent sonore glissant élégamment du doo-wop au jazz vocal (Grow Mama Grow se fendant même d’un langoureux passage orientalisant), en passant par le gospel (Mind Made Up, Tall Lion Down) et la pop.
De son timbre lumineux, comme ce jaune soleil qui orne la pochette de l’album, Dominique Fils-Aimé connait son propos sur le bout des cordes vocales. Et dieu sait que la voix est au centre de cette belle histoire, côtoyant des écritures racées pour sections de cuivres (Could It Be), des compositions plus contemporaines (Being The Same, Mind Made Up), ou le continent-mère, l’Afrique sur Three Little Words. « Three Little Words »… comme les trois mots qui composent chacun des titres de ce nouvel album, une histoire de rythme, trois petits mots sonnant le point de départ d’histoires de ruptures et de réconciliations, et qui n’éludent pas l’actualité. Love Take Over évoque ainsi la puissance féminine face au patriarcat traditionnel. De l’émouvant piano-voix Fall And All au sémillant You Left Me, musique empreinte de la magie des sixties pour chanter une rupture, Dominique Fils-Aimé termine cette trilogie de belle manière en reprenant le mythique Stand By Me, modifiant quelque peu la ligne mélodique, escortée d’un piano et d’une contrebasse discrète, la chanteuse à la fois ancrée dans une tradition et traçant sa propre voie.