Because Music
Le pianiste et compositeur aux origines catalanes sort un nouvel album, le premier depuis plusieurs années. Huit années qui ont dû sembler longues aux adeptes de la musique hors de toute norme de Pascal Comelade. Le muzak de l’artiste est, comme il le subodore dans l’un de ses morceaux, « déviant ». Commun, ce nouvel album ne l’est pas vraiment non plus, ce qui n’étonnera pas les fidèles du musicien, tout à la fois fan de Steve Reich et du MC5.
Si Pascal Comelade a pris son temps, il est ressorti de cette longue attente 28 titres (et oui 28), même si les morceaux sont souvent proposés dans des formats courts, et que certains sont davantage des interludes. Mais Pascal Comelade fuit le commun, disions-nous, comme il reste loin, très loin des réseaux sociaux et autres sirènes numériques. Ses musiques sont certes sans paroles (ça n’intéresse aucunement le bonhomme), mais Comelade se rattrape avec une certaine poésie dans le titrage. On débute comme dans un festival de rue avec Le néon à roulette. Le pianiste nous convie ensuite au Dancing le Mômo, avant de nous annoncer plus loin que Les radis contiennent du radium (on s’en serait douté…). Il frôle le non sens jubilatoire (Des rails en mou de veau), rend un discret hommage à feu un furieux groupe de rock avec (MC) 5 Pianos in Detroit et n’oublie pas quelques emprunts à ses racines catalanes (Sardana Dels Desemparats (version 7)).
Ce nouveau disque, il est né à la maison, dans le studio de Pascal Comelade niché dans un village des Pyrénées-Orientales. C’est là-haut qu’a surgi cette nouvelle playlist inclassable, mêlant rock punky et brouillon (la chanson titre en compagnie d’Ivan Telefunken), et valses bringuebalantes (Elévation de Marie-Madeleine, Ha Passat Un Angel (version 3)). Les amoureux de la tonalité auront probablement quelques sueurs froides à l’écoute de ce nouveau disque de Pascal Comelade, mais il faut bien avouer que l’on ne tombe pas sur un de ses disques par hasard ! Sardana Dels Desemparats (version 7) reste tout de même mélodique en compagnie de la formation barcelonaise Coblat Sant Jordi. On croise évidemment tout au long de ce Cut-up populaire son goût pour les musiques répétitives. No Sympathy For Symphony semble émaner d’une boîte à musique sous LSD. On croise aussi beaucoup de timbres, de textures sonores, cordes pincées, triturées sur Ze Orthopedic Doo-Wop, du ska avec cuivres haletants sur Patafisiscal Polka (enregistrée en live), et les embouchures extraterrestres des saxophones de Pep Pascual (Coucher de soleil sur l’Adriatique). Plusieurs artistes sont venus prêter main forte à Pascal Comelade, l’aider à organiser ce « cut-up populaire » qui lui est cher. Il y a les compatriotes des Limiñanas sur trois titres, dont sa propre reprise de Don’t Touch My Blue Oyster Shoes. Butiner de fleur en fleur, picorer, aller et venir, Pascal Comelade aime ça. Il aime les collaborations qui vont faire le miel de ses disques, comme leur donner quelques accents classiques en compagnie du quatuor à cordes Quixot, ou retrouver le complice de longue date, Richard Pinhas et sa guitare qui sur Despintura Fónica explore les joies d’une réverb’ planante.