BLUES ROCK
Tricki-Woo
Quand deux trentenaires sortent des albums rendant hommage au blues, on se dit que ce type de musique a encore de beaux jours devant lui. S’il ne fait pas la une des médias dans nos contrées, le blues compte toujours ses adeptes, et des artistes comme Larkin Poe sont là pour nous le rappeler.
En reprenant Hard Time Killin’Floor sur leur précédent album, les soeurs Lovell avaient su piquer la curiosité des fans de blues, proposant leur version toute personnelle de ce standard, agrémentée d’une guitare lap steel, restant dans l’esprit du grand Skip James (la dimension fantomatique en moins cependant). Rebecca et Meg poursuivent leur chemin, et le succès va grandissant. Le nouvel album de Larkin Poe s’intitule contre toute attente… Self Made Man. Elles le chantent d’ailleurs sur la première piste de l’album : She’s A Self Made Man ! Manière de rappeler que Megan et Rebecca ont tout fait toutes seules, de la prod à la publication, non loin de Nashville où elles résident désormais. Droites dans leurs bottes et déterminées comme le personnage mi-ange mi-démon de leur titre Danger Angel.
Sur Venom And Faith en 2018, l’économie de moyens était de mise, mais l’émotion bien présente. Ce nouvel album, concis tant dans sa durée globale que dans celle des morceaux, va lui aussi à l’essentiel. Every Bird That Flies se balance ainsi sur deux accords, que ce soit au clavier ou à la guitare. La production sur ces onze titres laisse ressortir leur côté rugueux, même si l’on apprécie ici ou là quelques envolées pop, comme sur le refrain de Holy Ghost Fire ou encore Tears Of Blue To Gold. Sur Back Down South, réminiscence de leur Sud natal, les deux sœurs invitent le jeune et brûlant gratteux Tyler Bryant, qui contribue lui aussi, avec brio, à raviver la flamme sudiste en matière de blues. Celles que l’on a surnommé « les petites soeurs des Allman Brothers » revendiquent en effet haut et fort, guitare (Rebecca) et lap steel (Megan) en mains, leurs racines sudistes, originaires de Calhoun, petite bourgade de 16.000 habitants en Georgie.
Les tempis se réduisent la plupart du temps à des claquements de mains, quelques progs ou percus sommaires et bien senties. L’essentiel est ailleurs, dans les voix assurées (Rebecca au chant, Megan exécutant les harmonies), les arrangements efficaces et le jeu de six cordes. Les deux jeunes femmes commencent à être rodées après des tournées fleuves dans une quarantaine de pays… Rebecca et Meg Lovell chantent le blues, mais restent optimistes, et invitent d’ailleurs l’auditeur à danser avant de prendre congé. Le bluegrass d’Easy Street nous emmène sur les rives du Mississippi (rappel de leurs premiers pas acoustiques dans la musique sous le nom de The Lovel Sisters avec leur autre sœur Jessica). Citons encore la reprise de God Moves On The Water, de Blind Willie Johnson, qui conserve son riff d’origine, gospel blues nous contant le naufrage du Titanic, adaptant cependant le texte pour évoquer les dangers qu’encourt la planète aujourd’hui. Si le virus nous a privé des deux sœurs qui auraient dû tourner en Europe au printemps, on devrait les revoir prochainement dans nos contrées, suite logique d’une carrière qui a bel et bien pris son envol pour les jeunes Sudistes.