L’œuvre de Gérald Mainier est à l’honneur au Musée Courbet d’Ornans. Disparu en juin dernier, l’artiste s’est notamment consacré au portrait et au paysage. On peut découvrir ses tableaux à Ornans jusqu’au 4 mai prochain. À l’occasion du vernissage, Diversions a rencontré Samuel Monier, historien de l’art et collaborateur scientifique, qui nous présente les lignes directrices du travail de l’artiste.
Pourquoi avoir choisi de présenter le travail de Gérald Mainier sous cet angle thématique à Ornans ?
L’exposition aurait pu être chronologique, mais étant dédiée à un peintre qui nous a laissé dans la fleur de l’âge, la trame chronologique aurait été restreinte. Il est plus intéressant de comprendre par le biais de thématiques, le dialogue qu’il a entrepris notamment sur deux thématiques qui ont été remarquables et importantes pour lui : le portrait et le paysage.
L’exposition permet notamment de faire le lien avec le travail de Yan Pei-Ming, qui a été une influence forte pour Gérald.
La thématique du portrait est celle qui lui a permis de raccrocher à la peinture figurative. Gérald est un peintre abstrait, qui s’est tourné vers une peinture très instinctive. Il va avoir aux débuts des années 2000 un profond choc, il va être bouleversé par l’œuvre de Yan Pei-Ming, et la peinture de ce dernier va le porter véritablement vers le portrait. L’exposition montre à la fin un portrait daté de 2001 où il utilise la peinture en noir et blanc avec une facture très instinctive, qui construit autant qu’elle détruit le modèle du personnage qu’il représente, où l’on peut établir des connexions assez explicites avec l’art de Pei-Ming.
L’autre thématique majeure est donc celle du paysage, dans un lieu où ce thème est bien sûr très présent, avec l’héritage de Gustave Courbet.
Le lien entre Gérald Mainier et Gustave Courbet est là aussi très explicite et va se concrétiser à partir de 2002. Gérald est en train de terminer ses études aux Beaux-Arts de Besançon, et va s’installer dans un atelier dans le Haut-Doubs à Vercel. Là, en parcourant les terres sauvages, les sentiers retirés, il va se trouver confronté à des motifs qui peuvent être une parfaite correspondance avec la fougue plastique de ses débuts, et je pense particulièrement à la Cascade des tufs, au Bord de Loue et à ce Grand paysage jaune, qui est certainement la peinture la plus représentative de son travail, où il commence d’abord à composer de manière très classique, mais avec une brosse pour composer le paysage qu’il représente. Ensuite il pose la peinture à même le sol. Il répand de la peinture acrylique plus ou moins diluée et il guide les coulures et les projections de la peinture avec des spatules, avec un sèche-cheveux qui va activer la dispersion, et en même temps sécher la peinture.
Comment peut-on décrire l’évolution dans son travail de coloriste ?
Au début Gérald Mainier est un peintre abstrait qui a une appréhension de la couleur là aussi très instinctive, et qui a une couleur à l’état brut. Ses premiers paysages entre 2002 et 2003 sont en noir et blanc pour se concentrer d’abord formellement sur la manière dont il peut dompter, canaliser la représentation figurative qu’il a devant lui. Petit à petit entre 2003 et 2004, il réintroduit des couleurs tonales qui sont représentatives de ce qu’il a devant les yeux. Il travaille tout de même avec suffisamment de contraste, avec des valeurs sombres qui peuvent être de noir, de gris, de vert assez sombre, et qui donnent une certaine profondeur, un côté un peu plus expressif en tout cas. Cette expressivité présente dans cette œuvre abstraite est quelque chose qui traverse en filigrane toute sa représentation.
– Propos recueillis par Caroline Vo Minh –
Gérald Mainier – Au fil de la vie, un cours d’eau intranquille, Ornans, Musée Courbet, du 13 février au 4 mai
http://www.musee-courbet.fr/