Pour sa deuxième production lyrique de la saison, l’Opéra national du Rhin nous transporte dans le monde du merveilleux, à la rencontre d’une créature surgie des eaux, Rusalka, tombant éperdument amoureux d’un prince. Elle souhaite alors devenir humaine pour vivre à ses côtés.
Antonín Dvořák créait son grand opéra en 1901, chef d’œuvre du post romantisme, lyrique et sensuel, qui mettait en lumière cet esprit des eaux de la mythologie slave, s’inspirant de contes européens évoquant des sirènes. Rusalka demeure l’un des plus grands succès du compositeur, et a marqué l’opéra tchèque avec notamment sa fameuse « Prière à la lune » en sol♭ majeur dans l’acte I. Mais la sirène se voit alors confrontée à un dilemme : elle perdra à jamais l’usage de la parole si elle prend corps de femme. Et si le Prince la rejette, ils seront tous deux maudits. Pour la petite histoire, le librettiste Jaroslav Kvapil, qui avait eu l’idée d’origine, essuiera plusieurs refus de compositeurs avant que Dvořák ne donne finalement son accord au jeune poète – près de trente ans les séparaient -. Habitué des légendes – il avait composé par le passé des poèmes symphoniques également inspirés de contes -, Dvořák signait probablement ici son plus bel opéra.
Après Francesca da Rimini de Ricardo Zandonai lors de la saison 17/18, Nicola Raab est de retour en Alsace pour mettre en scène Rusalka, Antony Hermus dirigeant ici l’Orchestre philharmonique de Strasbourg afin de porter cette partition contrastée. On y trouve les couleurs de pastorales du XVIIIe siècle, pour dépeindre notamment le garde forestier, alors qu’à d’autres moments, un style lyrique typique du XIXe siècle l’emporte, et en particulier un « style lyrique « neutre » utilisé pour le rôle du prince », comme le souligne Geoffrey Chew dans le programme édité par l’OnR.
Nicola a notamment dû faire apparaitre au plateau l’élément naturel, au cœur de l’histoire, l’un des grands ressorts de l’intrigue étant le conflit entre monde sauvage et civilisation humaine, deux mondes entre lesquels la sirène se voit déchirée. Le Prince souffrira lui aussi de ce dilemme, souhaitant pour sa part retrouver cette part de nature dont il se sent démuni. « Rusalka parle de la nature en nous, de l’incontrôlable en nous », explique Nicola Raab. Le merveilleux s’incarnera également en Jezibaba, sorcière redoutée, qui veille sur Rusalka et ses sœurs, et dans le personnage du Vodnik, roi des eaux, représentant quant à lui la figure paternelle. L’eau sera bien sûr très présente, ainsi que la forêt, un travail vidéo conséquent faisant naitre différents paysages au plateau.
Marc Vincent
Rusalka, Opéra national du Rhin, du 18 au 26 octobre à Strasbourg, Opéra, 8 et 10 novembre à Mulhouse, La Filature
Renseignements/Réservations : https://www.operanationaldurhin.eu/fr/spectacles/saison-2019-2020/opera/rusalka