Avenue Droz à Besançon, le Centre dramatique national s’apprête à proposer à son public une nouvelle programmation, une saison 19-20 tissée de voyages, comme le souligne la directrice du CDN, Célie Pauthe, dans l’édito de la plaquette d’une saison qui ne manquera pas en effet d’opportunités pour découvrir différentes cultures, différents continents. Déambulations à travers le monde, voyages intérieurs ou périples dans l’histoire, à l’image de la création 2018 d’Anne Monfort, La méduse démocratique, qui nous ramènera l’époque sanglante de Robespierre en mai 2020, pour clore cette saison.
Cette nouvelle saison au CDN débutera sur une création, Le Pont du Nord, conçue et mise en scène par Marie Fortuit, à découvrir du 1er au 5 octobre prochains. Un frère et une sœur se retrouvent à Paris dix ans après avoir fui leur Nord natal. Marie Fortuit collabore avec Célie Pauthe au CDN de Besançon depuis 2014, assistante à la mise en scène sur les créations de cette dernière. On a pu également la voir jouer dans Bérénice en 2018. Sur les seize pièces présentées à Besançon lors de la saison 2019-2020, plusieurs nous transporteront à divers endroits du monde, à l’image de Guillaume Vincent, déjà croisé à Besançon lui aussi, et qui nous emmènera en janvier dans l’Orient enchanteur des Mille et Une Nuits. Le contraste est saisissant avec ce que sont devenues les villes dont parlent les contes : Damas, Mossoul, Le Caire ou encore Bagdad ont été dernièrement les théâtres de conflits et de révolutions. Le metteur en scène s’interrogera sur notre rapport au monde arabo-musulman, en adaptant ces récits tour à tour sensuels et ironiques, « ou comment le pouvoir de la fiction est capable d’arrêter la barbarie », ajoute Guillaume Vincent. Le présent qui déborde, notre Odyssée 2, s’inspirera de l’épopée d’Homère, la metteure en scène brésilienne Christiane Jatahy nous faisant voyager en Palestine, au Liban, en Grèce et en Afrique du Sud. Quartiers défavorisés, camps de réfugiés et forêt d’Amazonie sont le théâtre de cette pièce, où les personnes filmées incarnent chacune à leur manière le héros Ulysse.
Les artistes danseuses et acrobates que nous présentera Séverine Chavrier en février, viennent des quatre coins du monde pour nous interroger sur la thématique de la nationalité. Dans ce spectacle programmé et accueilli en commun avec Les 2 Scènes, ces cinq femmes nous font part de leurs histoires personnelles, des violences subies, de la domination masculine, mettant à bas l’idée de la femme objet et soumise. Après-coups, Projet Un-Femme est un dyptique dont on pourra voir chaque volet indépendamment, les 18 et 19 février, ou en une seule soirée le 20. Dans Amitié mis en scène par Irène Bonnaud en novembre, la metteure en scène est partie d’une ébauche de scénario qu’avait écrit Pier Paolo Pasolini pour l’acteur-auteur napolitain Eduardo De Filippo. Amitié est un récit picaresque, qui fleure bon la légèreté des comédies italiennes tout en donnant à voir une Europe toujours en proie à ses démons. « Le récit […] raconte l’histoire d’Eduardo de Filippo (dans son propre rôle), Roi Mage qui part de Naples pour suivre l’étoile jusqu’à Bethleem », explique Irène Bonnaud. « Mais bien sûr, il se trompe de direction, traverse la Rome des années 50, découvre la violence des années 70 à Milan, le suicide de la gauche et la victoire du fascisme à Paris ».
Cette saison au CDN, on croisera également les mots de Kafka (adaptés en novembre par Madeleine Louarn et Jean-François Auguste), ceux du chanteur Gérard Manset en mars (On voudrait revivre), ou encore ceux d’Hector Malot en avril et mai, Jonathan Capdevielle adaptant l’histoire bien connue du jeune Rémi, orphelin recueilli par un artiste des rues dans Sans famille. La particularité du spectacle sera de mêler, à une première partie au plateau, un deuxième volet que le spectateur découvrira une fois rentré chez lui, sous la forme d’une fiction radiophonique. On retrouvera aussi, parmi d’autres pièces, le texte de Racine, Bénénice, passé au filtre du court-métrage de Marguerite Duras, Césarée. Célie Pauthe reprendra en effet sa création Bérénice du 7 au 11 janvier prochains.
– Dominique Demangeot –