Le festival de théâtre initié par le TDB, mettant en lumière la jeune création, célèbre cette année ses trente ans. Trente éditions d’un festival qui perdure et accueille pour cette édition anniversaire, Stéphane Braunschweig en tant que parrain 2019, et qui était présent lors de la première édition en 1990 avec Tambours dans la nuit de Bertolt Brecht, l’une de ses premières mises en scène. Aujourd’hui directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, il présentera en ouverture de festival sa dernière création, L’École des femmes de Molière.
Théâtre en Mai a tissé au fil des années des liens forts avec certains artistes. C’est notamment le cas avec Maëlle Poésy, artiste associée au TDB, qui créera et présentera son adaptation de l’Éneïde de Virgile. Si Ceux qui errent ne se trompent pas, en collaboration avec Kevin Keiss, évoquait notre politique contemporaine et un hypothétique vote blanc massif, Maëlle, avec Fracas, s’en va ici puiser dans le mythe pour évoquer l’exode et la frontière. « Écrire l’histoire d’un exil, celui d’Énée et de ses compagnons, à travers le prisme de la mémoire de l’exilé», explique la metteure en scène qui aspire à une « narration du souvenir, décousue, fragmentée, entre rêve et cauchemar, où l’on reconstruit peu à peu le puzzle des rencontres, des embûches et des espoirs ». Le poème épique de Virgile, inachevé et commencé en 29 avant J.-C., nous conte les voyages d’Énée après l’incendie de Troie. Ce dernier visite les Enfers, aborde les côtes de l’Afrique, fait escale en Sicile…
La deuxième création du festival sera portée par Pauline Laidet. Avec Héloïse ou la rage du réel, la metteure en scène et l’autrice Myriam Boudenia se sont inspirées du rapt de Patricia Hearst en 1974. La jeune femme avait été kidnappée aux États-Unis par un mouvement d’extrême-gauche, finissant par rallier leur cause. La musique tiendra une place centrale dans cette création, la pièce conviant notamment sur scène une pianiste et chanteuse, tandis que le spectateur suit l’ascension d’Héloïse qui devient une héroïne 2.0 sur les réseaux sociaux. On retrouvera l’histoire des États-Unis à l’occasion de la pièce Harlem Quartet, une adaptation d’un roman de l’écrivain afro-américain James Baldwin par Élise Vigier, avec la collaboration de Kevin Keiss. James Baldwin nous raconte le Harlem des années 1950, et l’histoire de la communauté noire, sur fond de gospel. Élise Vigier convie sur scène des acteurs-chanteurs, de la musique acoustique ainsi que le slam du poète Saul Williams.
Comme toujours, les pièces présentées à Théâtre en Mai seront des miroirs de notre époque actuelle, pour, souvent, traiter de ses travers comme avec Que viennent les barbares de Myriam Marzouki, qui nous interrogera sur l’Autre, qui pourrait se différencier du traditionnel « nous » national. La pièce évoquera les années 1960 aux États-Unis, l’Algérie aussi, ainsi que quelques grandes figures d’émancipation à l’image de Mohamed Ali et Toni Morrison. En 2016 déjà, Myriam Marzouki évoquait la question de l’identité et de la laïcité avec Ce qui nous regarde, autour du voile. On reparlera d’émancipation féminine avec l’étonnante pièce de Rébecca Chaillon, Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute, partant du football féminin pour évoquer les identités féminines, multiples. Atomic Man, chant d’amour, s’intéressera au contraire à la figure masculine. Lucie Rébéré et Julie Rosselló Rochet nous invitent à suivre le parcours d’Arthur, issu d’une cité de Villeurbanne, qui va tomber dans les filets d’un groupe de « masculinistes ». Sur le plateau, ce sont cinq comédiennes qui vont mettre le jeune homme face à lui-même, face à ses contradictions dans sa quête un peu creuse de devenir un « vrai » homme.
– Dominique Demangeot –
Théâtre en Mai 2019, Théâtre Dijon Bourgogne, du 23 mai au 2 juin
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