Léon Frederic est un peintre belge majeur de la fin du XIXe siècle. Méconnu en France, son travail entre cependant en résonance avec l’œuvre du célèbre peintre d’Ornans, comme nous pourrons le voir cet été au Musée Courbet. Pour la première fois en France, plus de cinquante toiles de Léon Frederic, réalisées entre 1880 et 1900, seront présentées dans la petite cité comtoise.
Si le commissariat général est assuré par l’équipe du Musée Courbet, l’exposition s’inscrit dans la suite de la rétrospective de Schaerbeek en Belgique, Léon & Georges Frederic, qui a eu lieu en 2000, organisée par Isolde De Buck, historienne de l’art belge. Elle s’appuie également sur les recherches de Benjamin Foudral à l’Université Paris-Sorbonne. Ces derniers sont les commissaires scientifiques de l’exposition.b À 27 ans, Léon Frederic découvre le monde rural, à la faveur d’un séjour à Nafraiture, village des Ardennes belges, en 1883, un quotidien que l’artiste va s’attacher à retranscrire dans ses toiles. « […] paysan flamand qui aurait appris son métier chez Van Eyck et qui, par la suite, aurait rencontré Courbet », comme le décrira André Michel dans Le Journal des débats en 1896, Léon Frederic s’inscrit en outre dans une réelle tradition réaliste en Belgique, depuis les primitifs flamands jusqu’à la nouvelle école belge de la fin du XIXe siècle. Citons également, en ce qui concerne le Réalisme, Rubens et Jordaens au XVIIe siècle. À partir de 1850, une nouvelle orientation esthétique va alors se faire jour en Belgique, une tendance à laquelle Gustave Courbet n’est pas étranger.
L’exposition des Casseurs de pierre du peintre ornanais, au Salon de Bruxelles de 1851, va en faire une référence. Ainsi en 1868, le peintre Louis Dubois fonde la Société libre des beaux-arts avec Louis Artan, Théodore Baron, Charles De Groux, Constantin Meunier, Félicien Rops, Eugène Smits, Camille Van Camp et Alfred Verwée, pour faire la promotion du Réalisme, notamment à travers la revue L’Art libre. Ces artistes font preuve du même esprit contestataire que le peintre d’Ornans, remettant en cause l’art académique. Courbet était d’ailleurs membre d’honneur de ce cercle artistique.
Formé à l’Académie royale des Beaux-arts de Bruxelles, mais aussi à l’Atelier libre du peintre académique Jean-François Portaels, Léon Frederic sera un digne représentant du Naturalisme, mettant en scène la nature telle qu’elle apparaît, en opposition aux scènes historiques, religieuses ou mythologiques. L’exposition à Ornans cet été va donc nous présenter scènes de genres, paysages, portraits, mais aussi des allégories qui témoignent pour ces dernières d’un goût de l’artiste pour la spiritualité et la culture chrétienne. Le catholicisme social belge inspirera à Léon Frederic un certain idéalisme qu’il retranscrira dans ses toiles. À la fin du XIXe siècle, la Belgique connait des transformations économiques et industrielles majeures sous le règne de Léopold II, des bouleversements dont souffre le monde rural. Léon Frederic va témoigner de cette paupérisation, revendiquant un art social qui valorise le travail des paysans. Une peinture qui pointe aussi du doigt les difficultés vécues par ces derniers, notamment dans Les Marchands de craie ou encore Les Femmes à loques. En s’intéressant aux plus démunis, Léon Frederic marche donc dans les pas de peintres comme Courbet mais aussi Manet, Millet, Bastien-Lepage…
Dans les années 1890 cependant, le réalisme de Frederic évoluera vers un certain symbolisme émergeant en Europe. « Ayant vu la misère de tous les humbles, j’ai tout naturellement rêvé leur état futur amélioré, idéal peut-être, et je l’ai peint », écrira-t-il. Les tons crus apparaissent pour dépeindre des scènes oniriques, des toiles inspirées par le catholicisme social mais aussi une certaine utopie propre aux milieux anarchistes et socialistes de l’époque, refusant la fatalité et appelant des temps meilleurs.
– Marc Vincent –