Article publié à l’origine dans l’édition de l’été 2018 du journal Diversions – consulter le PDF ici –
Le Frac Franche-Comté accueille de nouvelles expositions cet été à la Cité des Arts, pour découvrir les travaux de trois artistes. Chacune des expositions nous transporte dans leurs univers très personnels: les végétaux sauvages de Lois Weinberger, le mobilier modulable d’Olivier Vadrot et les déambulations poétiques de Régis Perray.
À l’instar de Kengo Kuma qui a pris en compte le passage du temps dans la conception du bâtiment de la Cité des Arts – avec notamment les « pixels » de bois qui voient leur teinte changer au fil des années – , l’œuvre de Lois Weinberger, de par sa matière végétale vivante, est elle aussi en constante évolution. Dans son travail, l’artiste autrichien utilise notamment des plantes dites rudérales, qualifiées la plupart du temps de mauvaises herbes, poussant au milieu des décombres ou sur les terrains abandonnés. Avec Wild Cube, pièce pérenne commandée pour cette exposition au Frac Franche-Comté, la mauvaise herbe est enfermée, pour une fois domestiquée, mais semble également pleine de vie, laissée libre de proliférer. L’artiste s’attache en effet à valoriser ces plantes que l’homme tente habituellement d’exterminer. On peut y voir une allusion aux laissés-pour- compte, aux personnes en souffrance sociale et en marge, Lois soulignant d’ailleurs que “la manière dont une société traite les plantes est le miroir d’elle-même”. Ce sont les relations des plantes à leur environnement qui intéressent Lois Weinberger. Ce dernier est donc coutumier des ruines et des décharges, des zones en marge ou encore des sous-sols. À Athènes, lors de la dernière Documenta, il présentait son œuvre Debris Field, conçue à partir de restes animaux, végétaux ou matériels, retrouvés lors de fouilles sous le plancher de la maison de ses parents, dans le Tyrol autrichien, comme pour nous dire que rien ne se crée, que tout se transforme, comme l’a écrit le scientifique Antoine Lavoisier.
Olivier Vadrot, qui a conçu l’accueil-librairie du Frac Franche- Comté, baptisé le Studiolo et inauguré en février 2018, présente cet été des projets sous la forme de maquettes et de documents, s’inscrivant très souvent dans une tradition architecturale bien définie. Il met notamment au point des dispositifs d’écoute collective tels que Le kiosque électronique (2004), à travers lequel il questionne la position du spectateur-auditeur. On trouve dans son travail de nombreux bancs, un motif récurrent chez l’artiste scénographe et designer, un outil collectif, propice à la réflexion, mais également dispositif de diffusion et de médiation. Ainsi en 2016 à l’occasion de l’exposition Max Feed, Olivier concevait une longue assise constituée d’une enfilade de sièges dos-à-dos, inspirée des trônes en pierre découverts par les archéologues sur le site d’Ikarion près d’Athènes, diffusant une composition sonore de Sébastien Roux. Une seconde assise permettait d’écouter une pièce sonore de Max Neuhaus. Avec Tribunes, Olivier Vadrot réinvente le petit théâtre en béton de Le Corbusier sur les toits de sa Cité Radieuse, en bois et modulable selon les contextes – conférence, lecture, performance… -. Ces dispositifs partagent également comme point commun une économie de matière et une utilisation très aisée, même par des néophytes.
Quant à Régis Perray, il effectuait en mai dernier une partie de ses déambulations à Besançon, au Frac et dans d’autres lieux, afin d’apposer sur les murs ses Petites Fleurs de l’Apocalypse (1918 – 2018). Après avoir longtemps arpenté les sols afin de les déblayer, balayer, poncer, gratter – des rues, des déserts… -, l’artiste s’intéresse aujourd’hui aux murs en y semant ses fleurs sous forme de tapisseries, reproduisant les végétaux figurant sur la Tapisserie de l’Apocalypse, chef d’œuvre de l’art médiéval datant du XIVe siècle. Projet débuté à l’occasion d’une commande du Domaine national du Château d’Angers, dans le cadre de la dernière année du centenaire de la Première Guerre Mondiale, Les Petites Fleurs de l’Apocalypse sont posées notamment dans des lieux de mémoire, une manière toute poétique de faire surgir la vie au milieu des ruines, démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Lois Weinberger…
– Dominique Demangeot –