CHANSON
Barclay / 2017
L’Amour en Solitaire, premier extrait du premier album de Juliette Armanet, n’est pas un traité sur l’onanisme mais plutôt une variation désabusée sur la solitude post-rupture. Une mélancolie qui infuse d’ailleurs tout l’album de la jeune chanteuse et pianiste, comme nous le confirment ces douze titres à l’image de la ruisselante et troublante ballade Sous La Pluie. Sortez vos pébrocs.
Il est vrai que vous verrez très souvent tracer la flèche de Cupidon en écoutant Petite Amie. L’album de cette Lilloise d’origine est allé faire trempette dans le bleu délavé des ciels du nord, même si sur L’Indien, le spleen se voit rattrapé par un tempo plus appuyé, histoire de faire muer la ballade grisaille en une disco song. La variété n’est donc pas morte. Art catalogué au mieux désuet, au pire kitsch, des générations d’artistes se l’approprient pourtant et la revendiquent depuis quelques décennies en lui apportant leur modernité, lui adjoignant des textes qui ont tout de même un peu plus de sophistication que les sempiternelles gondoles à Venise et autres Aventuras. Depuis Souchon, nos artistes sont mine de rien assez nombreux à défendre une certaine idée de la chanson française embellie par de rutilants arrangements, en mode pop, de Dominique A à Vincent Delerm, de Christophe à Julien Doré. Juliette Armanet s’inscrit pile dans cette fière lignée, et semble partager avec le tatoué à crinière de lion un talent d’écriture et de composition qui emportent d’entrée l’attention, ainsi qu’un sens aigu de l’image – le clip surréaliste de Manque d’Amour, réalisé par Pablo Padovani du tout aussi psychédélique groupe Moodoïd, est à voir absolument -.
« J’voulais pas devenir chanteur, lady crooner », chante Juliette Armanet sur Star Triste. Et pourtant. Il y a du Berger dans cette ligne de basse et ces ambiances américaines qui font que Juliette Armanet se voit légitimement – et souvent, trop souvent ? – comparée à Véronique Sanson, moins pour son chant que pour les orchestrations et cette attitude conquérante devant les touches du piano. Les claviers plongés dans l’azote liquide d’À la Guerre comme à l’Amour ne sont pas non plus sans rappeler le vaisseau fantôme Manureva d’Alain Chamfort. Juliette Armanet vient ainsi d’entamer un beau chemin entre une synthèse réussie de Polnareff /Barbara – L’Accident -, les réminiscences des années 80 avec À la Folie – l’artiste n’en est pas à un « slow interdit » près -, et surtout cette voix entendue nulle part, qui susurre de douces adresses à son cher Alexandre – un homme heureux comme dirait William Scheller -, imposant déjà une diction très personnelle, et qui devrait porter loin cette ancienne journaliste culturelle qui en connaît un rayon sur la musique, et sur la manière de la concevoir.
Dominique Demangeot
https://www.facebook.com/JulietteArmanet