Le Granit nous propose en mai une série de trois pièces réunies sous la bannière « Solos insolites », trois propositions qui balaient un large spectre allant de la déception amoureuse à la littérature russe, en passant par la crise économique. Un point commun cependant à ces trois spectacles est la volonté de porter la parole seul en scène.
Temps universel + 1 au Granit de Belfort – Photo : Patrice Forsans
Sur Temps universel + 1, on retrouve la Compagnie Day-for-Night qui a déjà porté plusieurs créations au théâtre du Granit. Ici Anne Monfort nous présente une femme seule au plateau, et faisant face à une rupture amoureuse. Quelques objets du quotidien, et la parole pour revenir sur cette séparation, opérer un retour sur son existence. « À force, on n’est même plus sûr qu’il s’agisse de rupture », explique Anne Monfort, « mais bien plutôt d’une évocation obsessionnelle, d’une tentative de «mesurer» le temps qui passe, de cartographier le souvenir ». Le personnage recompose des bribes de sa vie, dans un univers esthétique qui s’inspire des tableaux de Hopper mais aussi des films d’Hitchcock, « les états particuliers des femmes qu’ils représentent », dit encore la metteur en scène, « entre une attente mystérieuse et un geste pris sur le vif ».
Tupp’ ou la coupeuse de feu – Photo : Jean-Louis Fernandez
C’est à partir d’un texte de Nasser Djemaï qu’Angélique Clairand a conçu et interprète Tupp’ ou la coupeuse de feu. À l’origine, le recueil d’une parole, celle de femmes, monitrices, vendeuses, concessionnaires travaillant pour la société Tupperware. Ces témoignages ont ensuite été confiés à Nasser Djemaï qui en a tiré un conte, contemporain, « à la fois drôle et cruel » comme le souligne Angélique Clairand. Le personnage que nous rencontrons sur scène, Stéphanie Bugeaud – inspiré du deuxième prénom d’Angélique et du nom de jeune fille de sa mère – est une magicienne qui veut donner un sens à son existence en devenant vendeuse à domicile. En lieu et place de la célèbre boîte de Pandore, un objet tout trouvé : la tout aussi célèbre… boîte Tupperware. S’accrocher aux parois glissantes d’une boîte en plastique lorsque la crise économique sévit, voilà un sujet qui a intéressé Nasser Djemaï. « De la même manière que je rêve parfois mon père en héros mythologique, Stéphanie Bugeaud a pris les traits de Pandore, la première des femmes, créature de Zeus, qui ouvrit la boîte défendue », explique l’auteur.
Tout Dostoïevski – Photo : Clément Bartringer
Charlie Courtois-Pasteur est un personnage qui accompagne Benoît Lambert, directeur du Théâtre Dijon Bourgogne et Emmanuel Vérité, comédien, depuis 2007, « une sorte de clochard céleste », comme le dit ce dernier. « Le mec un peu pitoyable qui nous met le grappin dessus dans un bar et ne vous lâche plus de la soirée ». Après L’Art du bricolage – sur Lévi-Strauss – et Charlie et Marcel – comprenez Proust -, Tout Dostoïevski est le troisième volet des aventures de Charlie Courtois-Pasteur, pour évoquer le grand auteur russe. Comme souvent avec le metteur en scène Benoît Lambert, le savant se mêle au burlesque, et la réflexion sur nos sociétés modernes, ses travers et ses crises, ne se fait jamais sans humour. Co-écrit avec Benoît Lambert, ce solo prend la forme d’une conférence improbable de la part d’un professeur tout aussi inattendu, passant à la moulinette Crime et Châtiment et Les frères Karamazov de Dostoïevski, le comédien incarnant des personnages et s’adressant à eux.
– Marc Vincent –
Solos insolites : Temps universel + 1, 11 et 12 mai à 19h, Tupp’ ou la coupeuse de feu, 11 mai à 20h30, Tout Dostoïevski, 12 mai à 20h30, Le Granit, Belfort
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