Sept artistes lauréats du concours international des Talents Contemporains, initié par la Fondation François Schneider, exposent actuellement leurs œuvres à Wattwiller. Sur le thème des flux d’eau, les propositions primées évoquent l’élément liquide sous ses aspects divers. L’eau qui vient à manquer au Chili avec Gustavo Million, ou l’eau symbolisant au contraire le renouveau constant de la vie avec Cécile Carrière, la Fondation François Schneider propose une riche programmation pour sa dernière exposition de l’année.
Gaëlle Callac – Photo : Caroline Vo Minh/Diversions
Parmi les artistes exposés à Talents Contemporains, Diversions rencontrait lors du vernissage Gaëlle Callac, qui propose son ABC de l’Eau se composant de 27 gravures, un abécédaire très personnel dont 26 des lettres ont été choisies avec le mot eau comme dénominateur commun. Sa matière, ce sont les pages titres d’ouvrages, sur lesquelles Gaëlle dessine afin d’instaurer des résonances, des références et clins d’œil divers. Au fil des pages, on trouve Eau lourde, issue d’un recueil de nouvelles de Martin Amis, L’Eau et les rêves de Gaston Bachelard, Sang et eau d’Enzo Cormann… « L’objectif est de montrer l’essentialité de l’eau », explique l’artiste qui a classé les auteurs par ordre alphabétique. Dans L’ABC de l’Eau, il y a l’eau que l’on boit, il y a la piscine, l’élément H2O… L’allophonie « ABC de l’O » a intéressé Gaëlle, comme elle l’évoque en choisissant L’Abbé C. de Georges Bataille, titre mis en exergue, pourrait-on dire, de l’installation, auquel elle a adjoint une bouée pour illustrer la lettre O… L’installation lui permet de mêler l’une de ses passions, la littérature, et un dispositif ludique qui compose avec les sonorités, les références, avec les mots et les idées. Une œuvre qui vaut aussi de par la distance que l’artiste prend avec ces pages titres.
L’ABC de l’Eau avait pris une première fois de la hauteur en étant présenté sur une tour de gué qui dominait une rivière… Histoire d’eau, toujours… Gaëlle Callac invite donc le visiteur à parcourir cet abécédaire où la dimension ludique est très présente. « Pour certaines lettres j’avais beaucoup de choix, comme le B par exemple, où j’ai voulu prendre Gaston Bachelard », explique l’artiste qui a souhaité que certaines des pages dialoguent entre elles, se répondent. Avec L’Eau et les rêves de Bachelard, elle a revisité le mythe d’Adam et Eve, « avec ce personnage qui chute et tombe amoureux d’une petite sirène ». Pour la lettre U, Gaëlle fait référence à une auteure suisse moins connue, Marie Jeanne Urech, avec son livre L’amiral des eaux usées, « un livre épuisé que j’ai eu du mal à trouver. J’ai dû contacter l’auteur ». En matière de maisons d’édition, on trouve plusieurs genres, du roman noir à la philosophie, en passant par Françoise Sagan – Un peu de soleil dans l’eau froide – et des maisons d’édition parfois oubliées. Gaëlle aime beaucoup les pages titres « car c’est l’entrée dans le livre, dans le voyage, le début de l’aventure ». La peinture l’inspire également, et dans L’ABC de l’Eau on trouve ainsi des clins d’œil à l’histoire de l’art comme avec Femmes merveilleuses au bord de l’eau, de l’auteur finlandaise Monika Fagerholm, qui fait écho à la peinture presque éponyme de Puvis de Chavannes. Sur la page titre de Valérie Mréjen, Gaëlle a dessiné la célèbre bouteille du parfum Eau Sauvage de Christian Dior, « une référence aux artistes du pop art que j’apprécie ».
– Dominique Demangeot –
Exposition Talents Contemporains, Fondation François Schneider, Wattwiller,
du 1er octobre au 18 décembre
www.fondationfrancoisschneider.org