> Article publié à l’origine dans le numéro de février 2016 du journal Diversions Besançon – Consulter le PDF ici –
Début mars, Daniel Jeanneteau viendra présenter au CDN de Besançon sa nouvelle pièce, une adaptation de La Ménagerie de verre du dramaturge américain Tennessee Williams. Une œuvre de jeunesse, huis clos familial qui évoque le souvenir et la perte, des thèmes qui hanteront toute l’œuvre de Tennessee Williams.
La Ménagerie de verre au CDN Besançon Franche-Comté du 3 au 5 mars 2016 – Photo : Daniel Jeanneteau
Comme souvent chez Tennessee Williams, la famille est au cœur de l’intrigue. Une famille privée du père, au sein de laquelle l’absence a causé des ravages financiers et surtout affectifs. Tom Wingfield se souvient de sa vie à Saint Louis, Missouri à la fin des années 1930. Il y vit dans un petit appartement avec sa mère Amanda et sa sœur Laura. Emprisonnée dans les souvenirs de son enfance, la mère se montre particulièrement possessive avec Tom et Laura. Cette dernière, qui semble souffrir d’un mal mystérieux qui la rend inapte à toute vie sociale, se réfugie quant à elle dans sa collection de petits animaux de verre, un monde « transparent, lumineux, loin de la réalité à laquelle sa mère voudrait la résoudre » explique le metteur en scène.
Jim, un collègue de Tom, fait soudain une incursion dans cet univers étouffant. Amour d’enfance de Laura, il est invité un jour par la mère qui veut lui proposer sa fille en mariage. Tom, qui voulait être poète mais travaillait dans une usine de chaussures, se souvient de ces moments douloureux. La pièce joue donc sur plusieurs niveaux, d’autant que les souvenirs de Tom sont comme de petites fictions, dans lesquelles il projette ses propres fantasmes et désirs. Daniel Jeanneteau évoque ici « une mémoire qui ne restitue pas la réalité, mais […] crée des sortes de perspectives dans les éléments, dans les objets, dans les figures qu’elle convoque et peut donner à certaines des images une importance considérable, en omettre d’autres… ». C’est en quelque sorte l’illustration du mal dont souffre Amanda, incapable de distinguer la réalité de ses fantasmes.
Le metteur en scène souhaite en outre porter l’œuvre « loin du réalisme psychologique auquel on l’a souvent réduit » et explorer ses multiples dimensions. « La temporalité y est multiple, combinée en strates, en cycles, en réseaux », note-t-il encore. En cela, cette adaptation de La Ménagerie de verre doit beaucoup à l’expérience de Daniel Jeanneteau au Japon. C’est en effet dans un centre de création, non loin du Mont Fuji, que le metteur en scène portait sur scène en 2011, pour la première fois, la pièce de Tennessee Williams en langue japonaise. Si le spectacle français sera différent, Daniel Jeanneteau explique que cette première expérience japonaise, « exploration d’un paysage humain, sensible », influencera nécessairement la création française. À l’époque il avait envisagé la scénographie comme « un volume translucide qui expose et enclos ces corps dans une matrice impalpable ». Nous observons Amanda, Laura et Tom, chacun enfermé, à des degrés divers, dans sa solitude, à travers « une succession d’espaces mentaux encastrés les uns dans les autres ». Chaque personnage s’est inventé un monde, un idéal inatteignable qui aide pourtant à vivre. Passé et présent se frôlent ou se confondent. Daniel Jeanneteau parlait d’ailleurs dès 2011 d’une « cosmologie », alors que la barrière linguistique l’avait contraint à ne se fier qu’aux corps et aux gestes.
– Marc Vincent –
À NOTER : 4 mars à 19h :
Lever de rideau avant le spectacle
Le Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon déplace exceptionnellement au CDN un chef d’oeuvre de sa collection, Nature morte au bol de chocolat, de Juan de Zurbaran, grand peintre du siècle d’or espagnol (XVIIème). Ce tableau a été choisi par Daniel Jeanneteau, metteur en scène et scénographe formé à Strasbourg aux écoles des Arts Décoratifs puis au TNS. Parmi de nombreuses collaborations, il a notamment conçu les scénographies des spectacles de Claude Régy. Avant le spectacle, Daniel Jeanneteau, accompagné d’une guide conférencière, présente l’oeuvre et son lien au spectacle.
La Ménagerie de verre, CDN Besançon Franche-Comté, du 3 au 5 mars
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