En novembre 2013, Laurent Gutmann nous donnait rendez-vous pour une réécriture du Petit Poucet. Il était de retour au Granit en mai dernier avec cette fois un texte original qui se voulait une fois encore récit initiatique. Une nouvelle création autour de la mémoire… et de l’oubli, que le metteur en scène présentera le 7 février lors du festival Momix à Kingersheim.
L’adaptation par Laurent Gutmann du Petit Poucet avait été un moment clé dans sa carrière de metteur en scène, une fonction qu’il considère « de moins en moins […] comme un travail de mise en scène stricto sensu, mais plutôt comme un travail d’écriture de spectacle, dans lequel le texte, la mise en scène, la scénographie, tous les éléments qui composent un spectacle s’inventent ensemble ». Pour Laurent Gutmann, les notions de mémoire et d’oubli sont au cœur de la relation parents-enfants, touchant à différentes thématiques comme l’éducation, la transmission, la culture mais aussi l’histoire familiale.
« Mais la mémoire est tyrannique. On peut la sacraliser, lui sacrifier le présent », explique également Laurent Gutmann. Car les histoires familiales sont également tissées de secrets, de traumatismes dont il est parfois difficile de se débarrasser, et qui perdurent parfois même au fil des générations. D’ailleurs parents et enfants sont invités à venir découvrir, en famille, le spectacle qui est, selon Laurent Gutmann, « un spectacle pour adultes à partir de 9 ans ». Lors des premières répétitions au printemps 2014, les bases de la pièce ont été jetées, le metteur en scène ayant demandé aux comédiens d’improviser à partir de quelques situations. Le « problème de mémoire » était le point commun à ces différentes situations : qu’elle soit défaillante ou envahissante, qu’elle nous manque ou nous hante, la mémoire nous accompagne à chaque instant, fait de nous ce que nous sommes.
> Reportage de Diversions à l’occasion de la création du spectacle au Granit de Belfort
L’héroïne de la pièce se prénomme Zohar, « un prénom juif, aussi bien féminin que masculin », fait remarquer le metteur en scène. « Cette référence au judaïsme ne sera jamais explicite dans le spectacle, mais elle me permettra d’envisager l’hypermnésie dont souffre mon héroïne sous plusieurs aspects ». L’hypermnésie est une maladie qui fait que celui qui en souffre se souvient de tout ce qui lui est arrivé, de tout ce qu’il a pu percevoir. Zohar est également hantée par le souvenir de ses ancêtres morts durant le génocide perpétré par les Nazis. « On peut aussi se souvenir de façon obsessionnelle d’événements qu’on n’a pas vécus car antérieurs à notre naissance », rappelle le metteur en scène. Pour Laurent Gutmann, Zohar « se souvient trop ». Ses souvenirs, qui prendront corps sur le plateau du théâtre, sont des fardeaux. La fillette doit apprendre à vivre avec ces fantômes, les apprivoiser, les tenir à bonne distance, comme on entretiendrait un jardin.
– Dominique Demangeot –
Zohar ou la carte mémoire, Kingersheim, Salle polyvalente de la Strueth, 7 février à 15h30
www.momix.org