> Article publié à l’origine dans le numéro de novembre 2015 du journal Diversions Alsace : consulter le PDF
Le festival des Vagamondes est de retour à La Filature en janvier, une nouvelle édition de ce temps fort à Mulhouse mettant en lumière les cultures méditerranéennes. Cette année, le festival qui obtenait récemment le label européen EFFE – Europe For Festivals Festivals For Europe -, nous fera naviguer entre Algérie, Grèce, Tunisie, Italie et Espagne. Sous-titré « Arts et sciences humaines à Mulhouse », le festival compte quelques nouveautés cette année, à l’image des « Rendez-vous des sciences humaines ». Des rendez-vous dans toute la ville de Mulhouse, conférences, rencontres, tables rondes, dégustations, projections qui sont l’occasion d’aborder la culture méditerranéenne sous des angles multiples. Diversions passe en revue quelques dates du festival – liste non exhaustive ! -.
C’est traditionnellement par le vernissage d’une exposition le mercredi 13 janvier à 19h, celle du photographe turc Yusuf Sevinçli qui évoquera au moyen d’un noir et blanc très contrasté sa vision du monde, que débuteront Les Vagamondes. Puis, à 20h, Fellag viendra présenter son spectacle Bled Runner. Le numéro d’un humoriste qui revient sur sa carrière, un « best of » qui n’en est pas vraiment un, car Fellag reste un fin observateur de son époque. Par ses mots, l’artiste amortit le choc des civilisations, évoque les relations entre la France et l’Algérie – et le Maghreb en général – avec un ton décalé mais aiguisé. Voilà vingt ans que l’artiste a dû quitter l’Algérie, menacé de mort, mais cette expérience lui a forgé une conscience politique et surtout poétique, un talent qui permet à ce pionnier de ce que l’on nomme aujourd’hui la « diversité » de s’adresser à des publics variés.
Car il va sans dire que Les Vagamondes touchent souvent à des thématiques en lien avec l’identité, les origines, les conflits récents ou plus anciens qui naissent au sein de notre monde globalisé. Avec Late Night, la compagnie grecque du Blitz Theatre Group, qui faisait déjà partie de la première édition des Vagamondes, nous transportait dans une Europe en ruines. Cette fois dans 6 AM How To Disappear Completely la terre brûlée a été remplacée par un sol en friche. Promesse d’un avenir meilleur ? Évocation d’un renouveau ? Nos voisins grecs ont été aux premières loges d’une certaine idée de la chute, avec la dette qui les enserre encore. Tandis que résonnent les vers d’Hölderlin et Lautréamont, des ouvriers s’affairent. Si le dessein de ce grand chantier reste encore obscur, pour le Blitz Theatre Group, la scène est avant tout un lieu de rencontre et d’échange, un lieu de création en constante évolution, où se mêlent là encore étroitement poétique et politique.
Tandis que résonneront dans les allées de la Filature les notes de Dhafer Youssef, entre jazz et tradition tunisienne le 16 janvier, le spectateur poursuivra son voyage à travers la Méditerranée, avant de prendre comme nouvelle étape les 19 et 20 janvier, l’Italie du Sud avec Le Sorelle Macaluso. Un retour au pays natal à l’occasion duquel refluent les souvenirs, l’histoire d’une famille sicilienne qui se retrouve lors d’un enterrement, une famille qui est un peu celle d’Emma Dante. À la frontière du théâtre et de la danse, les corps incarnent ces souvenirs d’un temps enfui, d’une vie quotidienne en Sicile avec ses drames et ses joies. En peu de mots mais avec beaucoup de générosité et une présence physique certaine, les comédiennes nous invitent dans le monde des sœurs Macaluso.
De l’Italie, nous passerons ensuite à l’Espagne avec Rocío Molina le 20 janvier, un parcours dans l’univers du flamenco, danse sensuelle et fière, que l’artiste incarne avec vigueur, un art que la jeune danseuse a contribué à faire entrer dans le XXIe siècle, un flamenco débarrassé des oripeaux habituels, loin des robes noires à frou-frou. Une danseuse prête à en découdre avec la modernité, armée du « duende », l’âme du flamenco qui n’a nul besoin de symboles d’un autre âge pour s’affirmer. Ici la danseuse dialogue sur scène avec huit hommes – deux danseurs et six musiciens – pour traverser une forêt durant une journée entière. Un dialogue en danse et en musique, un affrontement pourrait-on même dire, une chorégraphie où l’on se jauge, on s’apprécie, on se menace, Rocío tour à tour proie et chasseresse.
– Paul Sobrin –
Les Vagamondes, La Filature, Mulhouse, du 13 au 23 janvier
Programme complet : www.lafilature.org
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