BANDE DESSINEE
Le Cherche Midi
Parution le 5 octobre 2023
Là-haut dans son paradis, le bon Dieu dresse un bilan alarmant : rien ne va plus dans la France de 2023. Pour redresser la nation en « dépression nationale », le vieil homme barbu renvoie sur terre un illustre défunt pour remettre un peu d’ordre (ou de désordre) dans tout ça.
Car il fallait bien un « rebelle qui fasse le consensus » pour venir à bout d’une situation explosive. Coluche retrouve sa chère planète bleue, mais aussi ses sempiternelles lunettes rondes et salopette rayée, son habit de clown à lui (le nez rouge est là aussi). Terreur Graphique et Jérôme Vatrigan dépeignent une France qui a bien changé en 37 ans, un pays d’un côté au bord de l’explosion avec la révolte sociale des « sans-dents » comme l’a dit un de nos présidents, et de l’autre une société de plus en plus amorphe, la tête plantée dans son smartphone (quand ce n’est pas un nouveau virus qui nous tombe sur le coin du bec). Sous le trait de Terreur, Michel Colucci reprend vie, armé de ses mimiques inoubliables, ses bons mots et son irrévérence légendaire, la BD déroulant les allusions à des sketchs qui font désormais partie de la culture populaire française.
Pascal Praud s’est d’ailleurs demandé dernièrement dans son émission L’Heure des Pros comment les mots de Coluche seraient accueillis aujourd’hui. À l’heure de la bien-pensance et du politiquement correct 3.0, nul doute que l’humoriste ruerait dans les brancards en se prenant au passage quelques volées de bois vert. Pascal Praud, on le retrouve d’ailleurs dans l’album, symbolisant une France que l’on qualifiera de « droitière », mais Coluche semble davantage perplexe devant les masses décérébrées, biberonnées aux conseils d’influenceurs et d’influenceuses sous filtres. Non vraiment, il y a fort à parier qu’en 2023, Coluche serait considéré comme un humoriste misogyne et raciste. Les générations qui l’ont connu vivant (sur YouTube, c’est forcément pas pareil) se surprennent à réentendre sa voix et son discours de nos jours, et le contraste est saisissant. Tout cela se termine un peu en eau de boudin (comme un sketch de Coluche en fait !) mais c’est le propre de l’humoriste de ménager ses chutes (sauf sa dernière, qui fut beaucoup moins drôle). Et il serait étonnant que Dieu le père, aidé par Terreur et Vatrigan, ne renvoie pas Coluche dans nos contrées. Un tome 2 s’impose donc histoire d’achever le boulot !
Jean-Bernard