Pour sa deuxième saison à la tête du Théâtre national de Strasbourg, Caroline Guiela Nguyen invite sur le plateau du TnS une nouvelle génération d’artistes, des jeunes compagnies, des collectifs ou des artistes en solo qui bousculent les conventions, réinventant les formes théâtrales pour donner voix et corps à leurs combats.
C’est Lacrima, la dernière création de Caroline Guiela Nguyen, qui ouvrira la saison, faisant suite aux avant-premières de mai dernier. Pendant huit mois, on suit le processus de création d’une robe commandée par une princesse anglaise, à travers différents métiers, de la conception de la robe et des patrons à Paris jusqu’aux ateliers de dentellerie d’Alençon, en passant par Mumbai et ses ouvriers brodeurs en Inde. La pièce, qui mêle amateurs et professionnels, brasse aussi les idiomes : français, anglais, tamoul et langue des signes. Comment parler du secret, qui règne notamment dans l’univers de la confection ? « Comment le secret est aussi la condition même de l’exercice de la violence », explique la directrice du TnS. La pièce propose de lever le voile et, derrière ces milliers d’heures de travail méticuleux, « voir comment sous cette robe, des vies se racontent. » C’est ensuite le collectif FASP, composé d’anciennes élèves de l’école du TnS, qui prendra d’assaut le plateau en octobre. Beretta 68 nous emmènera dans une laverie désaffectée, une pièce coup de poing (levé) qui s’inspire de Valerie Solanas et son SCUM Manifesto, ouvrage féministe radical. Beretta 68 sera par ailleurs tissé de voix multiples dont celle de Virginie Despentes, pour évoquer les combats féministes. De lutte il sera d’ailleurs souvent question cette saison, lutter pour vivre sa sexualité librement, à l’image d’Inconditionnelles, incluant textes et chansons de Kae Tempest sur une mise en scène de Dorothée Munyaneza qui signe la traduction française. Une nouvelle génération d’artistes prend fait et cause pour des engagements divers à l’image de Cécile Laporte, entre écologie, clown en hôpital et défense des droits des réfugiés (Cécile en janvier prochain), ou encore Marvin M’toumo abordant l’esclavagisme dans Rectum Crocodile en avril.
Exceptée l’adaptation en janvier du Dom Juan de Molière par David Bobée, et Marius en avril par Joël Pommerat, les textes contemporains seront majoritaires cette saison au Théâtre national de Strasbourg. Parmi les nouvelles formes dont s’emparent les artistes, on commence à voir apparaître le stand-up sur les plateaux des théâtres, qu’il s’agisse d’évoquer l’antisémitisme et le traumatisme provoqué chez les descendants des victimes (On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie d’Éric Feldman), ou la question du genre (Pour un temps sois peu par Laurène Marx en novembre et Le Rendez-vous, interprété par Camille Cottin en mars prochain). Autre forme radicale, celle orchestrée par Alice Laloy dans Le Ring de Katharsy, mêlant deux chanteurs-acteurs et six artistes acrobates-danseurs pour ouvrir encore un peu plus les frontières du théâtre.
– Paul Sobrin –
En savoir plus sur les deux grandes journées d’ouverture de saison les 21 et 22 septembre prochains