JAZZ
Komos / L’Autre Distribution
La jeune contrebassiste issue de l’IMEP Paris College Of Music a réuni autour d’elle une brillante formation mêlant batterie/percussions, violon, violoncelle, trompette et saxophone. Elle présente un premier album dont le titre, Mare Undarum (la mer des ondes), fait référence à un cratère lunaire. Il est vrai qu’en musique et dans l’art de manière général, il est souvent question d’ondes, de vibrations et de résonances.
Avec Mare Undarum, résonnent tout d’abord les origines de l’artiste, des racines afro-caribéennes que l’on retrouve tout au long de l’album, notamment à travers l’usage du ka, tambour venant de Guadeloupe. À l’instar de son mentor Steve Coleman, Sélène Saint-Aimé inclut dans sa musique de nombreux éléments de la diaspora africaine. De Coleman elle reprend d’ailleurs The Rings Of Neptune, titre qui n’a jamais été enregistré. « Il l’a écrit pour un concert auquel j’ai assisté en 2016 et ne l’a plus jamais rejoué », expliquait l’artiste à l’occasion de son passage au festival Jazz à la Villette en septembre.
Entre classique et tradition
En reprenant une pièce d’Heitor Villa-Lobos, Sélène aborde l’art métissé du choro, musique à la fois savante et populaire, adaptant ce morceau à l’origine pour guitare seule. Et pour conclure l’album, elle fait encore honneur à sa formation classique – elle a aussi étudié au Conservatoire de Boulogne – en reprenant Cum Mortuis In Lingua Mortua de Moussorgsky, l’occasion d’une belle déambulation nocturne du saxophone ténor d’Irving Acao. Ce premier album est frappé d’une diversité d’autant plus étonnante que la jeune femme de 25 ans a commencé la contrebasse… il y a tout juste huit ans. Des influences classiques, mais surtout des compositions personnelles et de l’improvisation, à l’image de Mare Undarum: Part 1, quand les musiciens partent dans des explorations sonores, rythmiques et vocales.
Car il ne faudrait pas oublier les bonnes ondes diffusées par le chant de Sélène Saint-Aimé, la jeune femme maîtrisant autant ses cordes vocales que celles de son imposant instrument. Que les textes se drapent de langue française ou s’incarnent dans des idiomes mystérieux, nés d’improvisations, ils tiennent sur Mare Undarum une place de choix. Sélène a notamment écrit trois poèmes qu’elle glisse entre les autres titres, comme un fil rouge évoquant l’éclipse totale du 21 janvier 2019. Ces « collages d’humeurs » suivent les trois phases de la lune : Paene Umbra : chez Rosa B., Partialis et Totalis (ici un brillant dialogue voix / contrebasse où se mêlent là encore cultures européenne et africaine). Et puisque « [j]amais l’élan ne fait marche arrière, si l’ocre brun a déjà chassé l’or », Sélène nous glisse à l’oreille que la musique est en perpétuelle évolution, à l’image des différentes phases de la lune. Dont acte. Un élan qui a incité la jeune femme de vingt ans à suivre Steve Coleman aux États-Unis. Elle y croise le contrebassiste Ron Carter, et découvre le jazz new-yorkais, bouillonnant magma en constante transformation. Elle en a rapporté de belles étincelles qui éclairent Mare Undarum.