BIOGRAPHIE
L’Archipel
Alors que l’artiste jurassien publie en ce moment son dix-huitième album studio, Géographie du vide concocté avec son fiston Lucas, les éditions de L’Archipel consacrent une biographie à Thiéfaine, revenant sur plus de quatre décennies de chanson. C’est le journaliste Sébastien Bataille qui s’y colle, égrainant les temps forts de la carrière de HFT au fil de ses albums.
Pour celles et ceux qui se toqueraient d’arpenter pour la première fois le territoire d’Hubert-Félix, nul doute que cette biographie constituera une parfaite entrée en matière. Son auteur, qui a rencontré Thiéfaine trois fois entre 2019 et 2021, slalomant entre deux quarantaines, n’omet rien. Il commence bien évidemment par l’enfance de l’artiste, doloise, la Ruelle des Morts et les premières chansons écrites vers dix-douze ans, avant que le jeune franc-comtois ne soit pas balayé par les deux vagues successives des yéyés et du Swinging London. Il y a aussi les années de formation dans une dèche certaine à Paris, jusqu’à la première éclaircie lorsqu’arrive la collaboration « folk clownesque » avec le groupe Machin de Tony Carbonare. Une première galette inclassable déboule dans les bacs en 1978 entre folk, chanson, blues rock… et même bourrée franc-comtoise. Il faut dire qu’Hubert Félix – HF pour les quelques millions d’intimes qui l’apprécient -, n’a pas pour habitude de suivre le sens du vent.
L’auteur de cette biographie parue chez L’Archipel partage le même esprit. Sébastien Bataille (écrivant notamment pour le magazine Causeur) n’a pas seulement la plume acérée, décortiquant les textes du chanteur, il a aussi la dent dure lorsqu’il évoque « un certain militantisme devenu récurrent dans le monde du spectacle ». La gauche bien-pensante en prend un peu pour son grade, comme le politiquement correct de manière générale (Anne Sinclair s’en souvient encore) et Bataille semble ici à l’unisson d’un Thiéfaine qui a considéré Mai 68 comme une révolution de pacotille. Le chanteur qui baptisait son deuxième album « Autorisation de délirer » (préfigurant notre époque hygiéniste), a su rester à distance des sirènes des médias tout au long de sa carrière (pas toujours de son propre chef), tout en gardant un public fidèle. Sébastien Bataille voit ici une belle occasion d’évoquer les questions du succès et de la célébrité, sans oublier la liberté d’expression à l’aune de Thiéfaine qui heureusement, n’a jamais eu besoin de la branchitude type Canal +/Inrocks pour mener sa barque. Animal en quarantaine relate également les échappées à New York et Los Angeles, toutes guitares dehors, ainsi que les derniers albums qui voient Thiéfaine collaborer avec de jeunes loups talentueux : Joseph d’Anvers, Armand Méliès, Jeremy Kissling… sans oublier la belle parenthèse blues avec Paul Personne en 2007. Le talent attire le talent. On ne peut que se réjouir que cet admirateur de Brian Jones ait eu une carrière autrement plus longue et qu’aujourd’hui encore, il quitte provisoirement sa forêt de Chaux adorée pour venir nous conter fleurette.
Dominique Demangeot