Indian Creek (2006) et Le nom des étoiles (2016)
Récits
Gallmeister
Je n’aurais jamais cru ce genre de choses possible et je me dis à nouveau que c’est au hasard que je devais d’avoir fait cette découverte. Si j’avais été en ville à prendre des cuites avec mes copains, je n’aurais rien vu de tout cela
Pete Fromm – Indian Creek – Un hiver au cœur des Rocheuses (Gallmeister)
Parmi les nombreux auteurs invités du 16 au 18 septembre prochains, le salon Livres dans la Boucle accueillera au centre-ville de Besançon pour sa première édition, quelques fines plumes américaines dont Pete Fromm. L’auteur s’est fait connaitre des lecteurs français en 2006 avec Indian Creek, récit dans lequel il revenait sur sa propre expérience dans les Rocheuses, alors étudiant à l’Université de Missoula. Aux éditions Gallmeister vient de paraître Le nom des étoiles, récit qui évoque, dix ans après celui d’Indian Creek, une nouvelle expérience de l’auteur américain au sein de la Bob Marshall Wilderness en 2004, un parc naturel à l’ouest du Montana, dans le but de surveiller la croissance d’œufs de poissons.
Pete Fromm est l’un des auteurs les plus représentatifs du courant littéraire dit du « nature writing », mettant aux prises les personnages avec la nature sauvage. Indian Creek relatait en 1993 – publié en France chez Gallmeister en 2006 – l’aventure du jeune Pete durant sept mois, sept mois à habiter une tente pour le compte des Eaux et Forêts avec pour unique compagnie Boone sa petite chienne. Pete était chargé de briser chaque matin la glace d’un bassin pour que le périple des jeunes saumons ne s’arrête pas à Indian Creek, piégés dans l’eau gelée. Un long voyage pour les poissons depuis les couveuses de l’Idaho jusqu’à l’océan pacifique. Une tâche qui lui prenait environ 15 minutes par jour. Le reste du temps, Pete Fromm se retrouvait livré à lui-même et à l’environnement hostile de la Bitterroot Valley, au sud ouest des Montagnes Rocheuses, non loin de la côte pacifique des États-Unis. On a connu plus reposant comme job d’étudiant. Le froid mordant, pouvant atteindre les – 35 degrés, les bêtes sauvages, la nourriture qu’il faut bien trouver par soi-même, et cette coupure totale du monde durant plusieurs mois… Pete Fromm apprend à tanner les peaux, à chasser. Il découvre la nature et son ambivalence, aussi belle que dangereuse, la mort côtoyant à chaque instant un formidable fourmillement de vie. Ce n’est que bien des années plus tard que Pete Fromm couchera cette expérience sur le papier, comme il l’explique dans la postface d’Indian Creek.
L’ouvrage s’inscrit tout naturellement dans la grande tradition des récits d’aventure de la littérature américaine. Pete Fromm a d’illustres aînés en la matière, d’Henry David Thoreau à Jack London. Citons ici le formidable travail réalisé par les éditions Gallmeister, qui œuvrent depuis dix ans à la découverte d’auteurs américains dont certains, à l’instar de Pete Fromm, dépeignent la nature sauvage, subsistant malgré l’urbanisation galopante qu’a connue le continent nord-américain au XIXe siècle. Une collection, baptisée très logiquement Nature Writing, leur est consacrée chez Gallmeister. Ses études terminées, Pete Fromm n’a pas abandonné la vie sauvage. Il a notamment été ranger et vit aujourd’hui à Great Falls, dans le Montana, un environnement où la nature conserve une place prépondérante, loin des mégapoles américaines. Le grand air, que l’auteur continue de célébrer à travers des nouvelles et des romans qui racontent des vies ordinaires dans l’Ouest rural, la nature opérant comme un révélateur de l’âme humaine.
« De la nature sauvage à la vie bien sage », Pete Fromm a souhaité faire le chemin inverse, retrouver ces sentiers non balisés, cette nature indomptée qu’il avait si bien su dépeindre dans Indian Creek. Le nom des étoiles propose ainsi des allers retours à différentes époques de la vie de l’auteur. Car une fois l’épisode Indian Creek achevé, la vie avait continué. Pete a épousé Rose, qui n’hésite pas à le suivre parfois dans ses périples. Maître-nageur à Lake Mead dans le Nevada, ranger dans les Tetons non loin du parc de Yellowstone, l’un des derniers écosystèmes intacts de la planète, l’auteur déroule son chapelet de souvenirs, alternant avec le récit principal de sa mission dans le parc naturel Bob Marschall Wilderness en 2004. L’occasion de goûter une nouvelle fois à la solitude bienfaisante que lui apporte la nature sauvage, délaissant la compagnie de ses congénères pour celle des wapitis, des rouge gorges et des ours – pas commodes les ours -. Pour « s’accrocher au silence », Pete est prêt à beaucoup de sacrifices, même à laisser pour un temps ses deux jeunes fils, quitte à retrouver la nature « seul[e] maître à bord » et ses dangers – il est contraint de passer un coup de fil chaque jour pour informer qu’il ne lui est rien arrivé de fâcheux…-. C’est également durant ce périple que l’on en apprend plus, et l’intéressé aussi, sur les origines de cet attrait pour la nature et pour aller « si loin des sentiers battus ». Le nom des étoiles est un récit plus personnel qui devrait ravir les adeptes d’Indian Creek. Le thème de la filiation s’y fait jour – le coach de baseball de son fils Aidan, le vieux Sage que Pete rencontre alors qu’il est jeune ranger, et qui l’incitera à suivre la carrière d’écrivain -, un récit battu par le souffle des grands espaces, de la part d’un auteur arrivé entre les deux rives de sa vie.
Dominique Demangeot
> Retrouvez Pete Fromm au salon Livres dans la Boucle, à Besançon, du 16 au 18 septembre 2016
Programme complet : www.livresdanslaboucle.fr