ROMAN
Grasset
Parution le 18 août 2021
Magdalena est une comédienne reconnue qui mène sa carrière tambour battant, jusqu’au jour où elle reçoit un message de son agent. Adèle lui annonce qu’on a retrouvé sa mère, qui avait disparu du jour au lendemain il y a trente ans. Magdalena laisse alors tout en plan et part dans le Sud-Ouest où Apollonia a élu domicile, dans l’espoir de revoir cette femme qu’elle n’a presque pas connue.
La comédienne se remémore ses onze premières années passées avec sa mère, des années heureuses avant que la dépression ne rattrape cette dernière. On suit Magda dans un voyage vers ses origines, un « petit calvaire », comme un roman initiatique accéléré. Le titre du dernier livre de Léonor de Récondo est tiré d’un poème de Charles Juliet dont la mère, dépressive, fut internée dans un hôpital psychiatrique. Magda, elle, retrouve sa mère, mais cela implique de renouer avec cette part d’elle-même qu’elle pensait avoir définitivement enfouie. C’est aussi, pour la comédienne dont la vie est si ordonnée par le rythme des tournages et des répétitions, accepter de lâcher prise, faire face à ses peurs d’adolescente. Accepter de perdre le contrôle en dépit de l’intuition, tenace, que Magdalena pourrait bien sombrer comme sa mère. Il convient alors de se tenir à bonne distance « de cette eau profonde qui pouvait la happer dans un tourbillon ».
« En toute innocence, la jeune fille prenait aux autres. Elle se remplissait de parcelles d’autrui, les volait, les faisait siennes pour se métamorphoser. »
Si la maison éclusière accrochée en bord de Garonne, où vit recluse la mère, est encombrée comme peut l’être l’esprit d’Apollonia, elle devient aussi le lieu de la reconstruction de la fille, ou plutôt de la reconnexion avec une partie d’elle-même que la comédienne pensait avoir enfouie pour toujours. Avec l’autofiction Manifesto, Léonor de Récondo évoquait sa dernière nuit avec son père. Ici l’auteure explore les relations mère-fille sur le mode de la fiction, même si tout un chacun (et surtout chacune !) pourra s’identifier au binôme mère-fille. L’écriture délicate et concise de Léonor de Récondo nous porte au plus près du drame qui se joue et dans ce roman court mais dense, le lecteur est emporté dans le tourbillon des pensées de la comédienne, entre passé et présent. Une odyssée intime traitant des origines (avec même un passage cocasse par Decathlon et une brève mais intense rencontre). Et cette question qui traverse tout le livre : peut-on forger sa propre identité loin du giron maternel ?