C’est dans une grotte que la compagnie Pistë nous présente trois ingénieurs auxquels une mission a été confiée : trouver un lieu où enfouir des déchets nucléaires pendant au moins cent mille ans. Notre trio de scientifiques visite une caverne sur les parois de laquelle figurent des peintures rupestres. L’occasion de s’interroger sur l’homme moderne et sa foi en un progrès qui fait souvent fi du passé, quitte à oublier ses racines.
La metteuse en scène Parelle Gervasoni a traduit en français le texte original de l’autrice finlandaise Laura Ruohonen. Le titre choisi pour la pièce à découvrir au Creusot, Ici nos yeux sont inutiles, fait référence à des mots prononcés par la Femme, une archéologue qui vient elle aussi visiter la grotte, partie sur les traces des premiers hommes. « Un secret doit être caché dans les entrailles de la terre », explique Parelle Gervasoni. « Une course contre la montre oppose une multinationale pressée d’enfouir ses déchets nucléaires et une archéologue à la recherche du moment où tout a basculé… » La scientifique est le personnage principal de la pièce, celle venue chercher des réponses aux origines de l’homme. La Femme est alors « la seule à ne plus se contenter d’une réalité aux apparences simplistes. » Les trois scientifiques, eux, tournés en ridicule, s’avèrent finalement être un groupe de clowns symbolisant une société aveugle face aux dangers qui guettent la race humaine.
Et si la grotte s’apparente à un lieu mystérieux, labyrinthe où l’on peut facilement se perdre, elle est surtout l’endroit où les révélations s’accomplissent, « la projection des méandres d’une quête intérieure », dit encore Parelle Gervasoni à propos de ce lieu propice à l’introspection. La mise en scène aura recours au théâtre d’ombres pour donner corps aux illusions – où seraient-ce des révélations ? -. Les peintures rupestres symbolisent quant à elles le monde ancien, les civilisations passées qui perdent du terrain face à la mondialisation. Passé contre présent. Les voix des anciens, « les langues, les cultures, les espèces, les identités qui disparaissent », continuent pourtant de résonner.
– Dominique Demangeot –
Ici nos yeux sont inutiles, Le Creusot, L’Arc, Scène nationale, 23 février
à 20h – larcscenenationale.fr