ESSAIS
Au diable vauvert
Parution le 20 février 2025
Dans cette collection d’essais qui parait au Diable vauvert, Ian F. Svenonius explore la culture populaire. Celui qui est aussi musicien avait déjà élaboré de savoureuses Stratégies occultes pour monter un groupe de rock (Au diable vauvert, 2017). Mais il élargit ici le spectre et s’intéresse, dans ces textes datant de 2006 à 2020, à la place de l’artiste dans la société.
Il faut bien sûr mettre en relation l’origine du titre de ce recueil à la magnifique couverture rouge qui protège l’ouvrage, rouge diabolique mais surtout rouge qui lorgne du côté de l’ex-URSS. Le situationnisme évoqué par l’éditeur n’est pas un vain mot. Art et pouvoir sont intimement liés à en croire Svenonius, et les USA en prennent bien sûr pour leur matricule, « l’ennemi juré, dysfonctionnel et déséquilibré (bien que victorieux) de l’URSS ». Vous aurez compris l’orientation de la chose ! La grille d’analyse est certes fortement orientée mais passée la lecture au premier degré de ces essais, c’est l’écriture et son sens de la dérision qui attirent l’attention. Il n’est pas interdit de lire cet ouvrage au deuxième degré comme semble le suggérer la postface.
Tout au long de ces essais, Ian F. Svenonius ne dévie pas de son postulat de départ : débarrasser la culture populaire de ses mythes. Dans ce recueil republié en 2020, que le Diable a eu la bonne idée de traduire en français, il est question d’impérialisme (culturel). De là à qualifier Dylan de « mâle dominant » quand le bougre s’est toqué de passer à l’électrique comme les Beatles, il n’y a qu’un pas. Svenonius le franchit, mais il nous parle aussi de rébellions culturelles, à l’image du punk à la fin des années 1970, entre autres mouvements qui ont tous fini, peu ou prou, par être récupérés par le show business et (l’immonde) capitalisme. Mais même si vous n’êtes pas des grands convaincus de Vladimir Ilitch et de ses suiveurs, vous allez tout de même sourire en lisant ce Soviet Spirit. L’un des exemples les plus édifiants est la relecture absolutely queer du Seigneur des Anneaux ! Et si Svenonius fait peu de cas du christianisme, le rock a toujours ses faveurs, « un putsch idéologique sans commune mesure », la nouvelle religion mondiale, étroitement liée à « ce centre commercial que nous habitons », un monde sur lequel il porte un regard à la fois aiguisé et décalé. En ces temps troublés cependant, il n’est jamais inutile de réfléchir aux discours portés par les médias, et aux narratifs que l’on nous sert (les officiels et les autres).
Jean-Bernard