BLUES
Autoproduction
Le chanteur guitariste franc-comtois revient dans les bacs avec Feelin’Wood, une nouvelle bûche musicale qui le voit évoluer une fois encore dans les décors blues qu’il affectionne. Le « one-man-blues-band » comme on dit, peaufinera son nouveau set mi-décembre au Moloco d’Audincourt, en vue d’une nouvelle série de concerts en 2021.
Après quelques notes de slide alanguies dignes d’une ambiance à la Paris, Texas, l’électricité débarque et French Fries déboule dans la stéréo. On retrouve le Jeff électrique qui nous avait offert Tales From The Road il y a deux ans. Un premier album qui nous présentait l’univers du Franc-comtois, dont les origines devraient plutôt être recherchées du côté du Mississippi (bien qu’avec le réchauffement climatique, les routes de Mandeure d’où il est originaire ressembleront bientôt à un chemin poussiéreux du Deep South en plein cagnard…). Fat Jeff, c’est donc… Fat Jeff, et c’est déjà beaucoup. Un bonhomme pas vraiment rachitique, seul en scène avec ses guitares, une pédale de grosse caisse qu’il martyrise du pied et son bottleneck. Un bottleneck, c’est fait pour s’enflammer et réchauffer un hiver qui s’annonce un peu trop ennuyeux. Ce n’est pas Boring Winter qui nous affirmera le contraire, et beaucoup d’autres titres sont faits du même bois, un blues rugueux qui gratte comme une joue mal rasée.
Si à de rares moments, Jeff nous fait entendre un côté plus acoustique (Good Old Day), ou plus apaisé (Your Song dédiée à sa chère et tendre), chez l’artiste ce qu’on aime, c’est ce côté « fat » justement, cette manière de gratter les cordes comme on débite un tronc d’arbre (en cela le titre de l’album est plutôt bien trouvé !) et la prod minimaliste à l’exception de quelques overdubs vocaux de temps à autres (on n’est jamais si bien servis que par soi-même). Écoutez notamment la relation particulière que Fat Jeff entretient avec ses cordes graves, ce martellement incessant, cardiaque, qui ne nous quitte jamais, comme sur la puissante chanson titre, Feelin’Wood, d’autant que Jeff, dans la grande tradition du blues, double parfois la mélodie chant à la guitare. Si le musicien a pris part à des groupes de post-stoner (Jager Blaster) et même de rock celtique (les Korrigans), ici c’est bien dans le sillon du blues rural (façon Delta Blues) que le musicien s’inscrit. Ce qu’apprécie aussi Fat Jeff, c’est ce « son très sale », comme il l’évoque sur les petites vidéos démo de ses cigar box (voir sa chaîne Youtube « Fat Jeff »). Un blues brut et franc du collier, même si l’on sent poindre son côté rock à quelques moments (Mojito Blues à écouter durant vos apéros virtuels, Blue Van Blues). Pas étonnant dès lors que sa musique ait eu un écho jusque sur une radio américaine. Le blues de Jeff est fait à la maison, mais s’exporte facilement.