BANDE DESSINÉE
Steinkis/Arte Éditions
Chloé Aeberhardt adapte en bande dessinée son livre éponyme de 2017. En compagnie de l’illustratrice Aurélie Pollet, la journaliste au Monde avait déjà porté, sous la forme de série animée pour Arte, ces histoires de femmes qui n’ont pas froid aux yeux.
Chloé Aeberhardt envisage l’univers de l’espionnage sous un angle bien particulier : celui de la parité hommes-femmes. « Comment expliquer, s’il existe des professionnelles surpassant leurs collègues masculins, que l’imaginaire collectif continue de les associer à des James Bond girls juste bonnes à coucher ? » se demande l’autrice en introduction. Pour ce faire, elle a recueilli les témoignages de six femmes aux personnalités très diverses, discrètes, exubérantes ou méfiantes, leur point commun étant qu’elles ont travaillé par le passé pour les services secrets. Il faut savoir que lorsque l’une d’elles, Geneviève, arrive à la division antisoviétique de la DST au début des années 70, le rôle des femmes se limite ainsi à préparer le café et taper à la machine…
Vous apprendrez également ce qu’est un officier traitant, découvrirez les couples d’agents dormants envoyés dans un pays étranger pour s’y fondre et y accomplir des missions. L’album fourmille d’anecdotes, comme cet ancien maquilleur d’Hollywood débauché par la CIA. Les Espionnes racontent, c’est aussi une plongée dans l’histoire et la géopolitique, quand les gouvernements fraient avec des partenaires pas toujours recommandables à l’image du général Noriega, ex-dictateur panaméen.
Chloé Aeberhardt aborde les divers aspects du métier : psychologie, manipulation, gadgets, filatures et exfiltrations, taupes et autres agents doubles… Les femmes qui ont accepté de témoigner l’ont notamment fait au nom du fameux esprit de sororité. L’autrice s’inclut à presque chaque page – « Je fais partie de la distribution », souligne-t-elle-, nous donnant à voir – en codes noir et blanc – les entretiens qu’elle a menés. L’espionnage fut pour les femmes un moyen comme un autre de s’émanciper et s’accomplir, « moins vénales que les hommes », explique Gabriele Gast, que Chloé Aeberhardt réhabilite au-delà du cliché de la femme exploitée par les hommes. « Elles collaborent pour gagner le respect de leur officier traitant, pour s’entendre dire que leur travail a de l’importance. »
Marc Vincent