Article publié à l’origine dans l’édition de décembre 2017 du journal Diversions – consulter le PDF ici –
Les Éditions America
La revue America existerait-elle si Donald Trump n’avait pas accédé à la fonction suprême en novembre dernier ? Au printemps paraissait, en librairies et chez les marchands de journaux, un magazine créé par François Busnel et co-édité par l’excellente revue Le 1. On en retrouve d’ailleurs l’esthétique générale, la mise en page soignée et la place de choix faite aux illustrations. Mais ne nous y trompons pas. America est avant tout une revue littéraire, toute entière dédiée au continent américain, dans sa démesure et ses contradictions.
Trump est certes au centre de toutes les attentions, avec plusieurs rubriques trimestrielles qui lui sont consacrées et que l’on a plaisir à retrouver, à l’image de La chronique du poisson rouge, petite bête à écailles scrutant chaque fait et geste du peroxydé président dans son Bureau ovale, ou encore les Figures de Donald par Augustin Trapenard qui traquent les signes annonciateurs du 45e président des États-Unis dans la littérature et la culture populaire de manière générale. Mais en prenant comme étincelle l’arrivée au pouvoir de l’homme d’affaires douteux, America va bien au-delà du simple pamphlet. On y trouve de grands entretiens avec, au jour d’aujourd’hui, des rencontres avec Tony Morrison, Don DeLillo, James Ellroy, des textes inédits, tels ceux de F. Scott Fitzgerald ou, dans le dernier numéro en date, le regretté Jim Harrison.
Un tableau au final passionnant et une vision particulièrement aiguisée des États-Unis, nation-continent que l’on envisage tant dans sa dimension urbaine, avec New York l’incontournable, la venteuse Chicago ou encore la tentaculaire Los Angeles, que sauvage avec notamment des incursions dans la réserve naturelle de Yellowstone ou le Dakota. Plus que Trump, c’est bien l’histoire américaine dans son ensemble qui est le carburant de la revue initiée par François Busnel, dont on connaît la passion pour la littérature américaine, et qui termine actuellement un documentaire sur Jim Harrison. Dans America, on croise une ribambelle d’écrivains, Salman Rushdie, Colum McCann, Siri Hustvedt qui nous entretiennent, chacun à leur manière très personnelle, de l’Amérique version 2017, en français et parfois en version originale. Mots contemporains écrits dans la chaleur de l’actualité mais aussi des classiques, de Twain, London, Melville, André Clavel replaçant les « petites histoires de grands livres » dans leur contexte. Écrivains d’aujourd’hui et d’hier passent au crible l’Amérique de Trump, mais aussi celle d’Obama, de J. Edgar Hoover, l’Amérique des pionniers, celle des communautés indiennes parquées dans les réserves, parcourant aussi l’histoire du cinéma US et des séries, nouvel Eldorado des créateurs à l’ère Netflix. Tandis qu’au fil des saisons, les tranches des numéros dessinent peu à peu le continent américain, America brosse un portrait aux multiples facettes de ce « pays éclaté » comme on peut le lire sur la couverture du premier numéro.
– Dominique Demangeot –